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De Lamentations de Jérémie.
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3. Le rite judaïque
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La liturgie catholique trouve son origine dans la prière juive. Elle en est la continuation naturelle. Il en est ainsi avec les ''Heures'' et autres textes ou formules liturgiques y compris le ''Notre Père''. Un parallèle peut être soutenu sans danger même au niveau des grandes fêtes annuelles comme la ''Pâque'' pour les juifs et ''Pâques'' pour les chrétiens. Il ne serait pas surprenant de trouver un jour que les cérémonies de la Semaine Sainte proviennent également des fêtes juives. Les Lamentations de Jérémie sont récitées ou chantées le 9 ''d'Av'' (''Tisha bé Av'' <big> תשעה באב</big>)de chaque année (le 18 juillet 2002, le 7 août 2003, etc., puisque les dates mobiles suivent le cycle lunaire et solaire). Rappelons en quelques mots la signification de cette fête. Ce jour-là, les juifs se remémorent, entre autres, les catastrophes suivantes : • la promulgation de l'interdiction d'entrée en terre d'Israël pour la génération du désert (Dévarim 1, 35 et Taânite 26b) : Vous vous êtes lamentés sans raison ; Je vais vous donner des raisons de vous lamenter, vous et vos générations à venir ; • l'incendie, en 586 BC, avant l'ère commune ou vulgaire pour les juifs, par les troupes de Nabuchodonosor du premier Temple (Ta'ânite 29a) ; • après sa destruction, la charrue est passée en 68 de notre ère (an 3828 du calendrier juif) sur l'emplacement du second Temple, par le romain Turnus Rufus, selon Ta'ânite 26b : Sion sera labourée comme un champ et Jérusalem deviendra un monceau de ruines ; c'est Aelia Capitolina que les romains construisent sur l'ancienne capitale ; • la destruction en 135 de notre ère de Bétar (fortification de résistance des Juifs avec Bar Kokhba) par les Romains et l'interdiction d'enterrer les morts parce que les Sages de Jérusalem méprisaient ceux de Bétar et les opprimaient ; • de nombreuses autres catastrophes comme le suicide collectif des juifs de York durant les émeutes antisémites de 1190, l'expulsion d'Angleterre en 1205, l'extermination en 1298 de la communauté de Meiningen en Allemagne, l'expulsion de France en 1306 par Philippe IV, l'expulsion par les rois catholiques d'Espagne en 1492, la création du ghetto de Florence en 1571, l'expulsion des juifs de Vienne en 1670 ; • l'abolition en 1882 par le gouvernement turc de l'autorisation donnée aux Juifs de s'établir en Eréts d'Israël ; • l'extermination en 1941 de la communauté de Czernovitz en Ukraine ; • la fusillade en 1943 de 600 juifs du ghetto de Sosnoviec en Pologne. Les Lamentations sont donc étroitement liées aux épreuves du peuple juif au travers de son existence. Le 9 d'Av est un jour de grand jeûne exceptionnel pour tous les juifs. Les prescriptions sont strictes tant en matière de restriction alimentaire (c'est une obligation pour tout Israël, hormis ceux qui ne peuvent supporter le jeûne en raison de leur santé) qu'en matière relationnelle ou vestimentaire. On ne peut étudier que le livre de Job, les Lamentations et ses commentaires ou les livres d'histoire qui décrivent les catastrophes, car ils alimentent l'esprit du deuil (Choul'han 'Aroukh – Maran ch. 553-1 à 4), ceci en référence au Psaume CXIX : les préceptes de l'Éternel sont droits, ils réjouissent le cœur. A la synagogue, ou beth haknesseth , au cours des offices d''arvith le soir du 9 d'Av, l'obscurité règne et seules subsistent quelques bougies pour lire ou chanter par un hazzan à leur lueur l'intégralité des lamentations Eikha, les récits plaintifs, les kinote, et les litanies de circonstances (Maran ibid.) sur un ton grave et monotone. Le rideau (parokhète) de l'armoire aux rouleaux de Torah (arone haqqodéche) est changé ou retiré. Les participants sont assis par terre, comme endeuillés (Maran ch. 559-3), mais peuvent utiliser un petit coussin ou un tabouret (Kol Sinaï 5722. 9 av. 31). Au chapitre VIII des Jeusnes commandez & volontaires de l'ouvrage de Simonville , on peut relever dès le XVIe siècle cette coutume : V. Le 9. d'au est un Jeusne nommé tisha beau, qui est plus grand que les autres. Car ce fut ce jour-là que Nabucod Nosor brûla le Temple, & qu'à pareil jour l'Empereur Titus le brûla depuis. Ce Jeusne commence la veille, une heure, ou à peu près, avant le Soleil couchant, que l'on cesse de manger & de boire ; jusqu'à ce que le lendemain au soir les estoiles apparoissent ; & de meurent tout ce temps-là pieds nuds, ou sans souliers de cuir, & sans se pouvoir laver. VI. Le soir après que la priere ordinaire est finie dans la Synagogue, ils s'asséent par terre, & lisent les Lamentations de Jeremie. Ils font la mesme chose le lendemain, ajoustant beaucoup d'autres lamentations à celles-cy, demeurant tristes tout le jour, ne leur estant pas permis d'estudier dans la Loy ; mais seulement de lire Job, Jeremie, & autres livres affligeans. Les signes extérieurs de tristesse sont là pour aider la réflexion intérieure afin qu'elle soit attristée par la destruction du bonheur basé sur la Torah de vie, le Peuple de la Torah de vie et la Terre de la Torah de vie. Selon certains rites, on lit Eikha également au cours de l'office du matin, chakharith, du 9 Av. Les courants réformés américains, qui semblent se diriger vers des cérémonies particulières, ont abandonné ces coutumes traditionnelles. Comme l'indique Haïk Vantura, les synagogues permettaient les cantillations traditionnelles et non au Temple de Jérusalem comme on pouvait l'imaginer. Dans ce domaine, chaque synagogue avait ses propres habitudes et ses propres problèmes. Les textes sacrés étaient chantés non par des chantres instruits mais par une personne ayant de préférence une belle voix. Ce n'est qu'au VIe siècle, qu'apparut le hazan, un chantre attitré . Après de longues recherches sur le déchiffrement de la cantillation traditionnelle juive, Haïk Vantura établit une similitude sérieuse et fondée des figures mélodiques entre le plain-chant et la tradition synagogale de Damas afin de démontrer leur origine unique. Nous ne retiendrons qu'ici un petit extrait pour illustrer la qualité de cette recherche. Il concerne plus particulièrement le début du 1er verset du 1er chapitre des Lamentations : Quomodo sedet sola civitas plena populo… Haïk Vantura, extr. exemple p. 171. Il serait long d'exposer ici la théorie du déchiffrement pour obtenir ce résultat mais il y a lieu de signaler que le processus est longuement analysé dans la 2ème partie de son ouvrage. Le lecteur pourra s'y référer utilement pour ses propres recherches ou pour satisfaire tout simplement sa curiosité. En France, les communautés juives étaient peu nombreuses. La tradition comprenait trois branches : l'autochtone, dite comtadine, constituée et conservée dans les quatre communautés – Aix, Cavaillon, Carpentras, Isle-sur-Sorgue - du Comtat Venaissin ; la portugaise, importée d'Espagne et pratiquée dans les communautés sefardies de Bordeaux, Bayonne et autres villes du Midi, ainsi, sans doute, qu'à Paris ; enfin l'alsacienne, la plus répandue, d'origine rhénane, était en usage parmi les juifs askenazis de l'Est de la France et de la capitale. Entre ces trois ramifications d'une même souche, les divergences sont moins significatives que les similitudes. La musique synagogale est de type monodique et modale excluant l'emploi des instruments. Elle traduit parfaitement la ferveur attendue de la prière juive. Après quelques déviations dues à des effets de modes (et non modales), Samuel Naumbourg (1815-1880), chef de chœur à Strasbourg, puis ministre-officiant à Paris, donna le coup de pouce indispensable pour un retour à la tradition qui se perpétue encore aujourd'hui. Des grands maîtres lui ont succédé comme Samuel David (1838-1895), Jules Franck (1858-1941), Ernest Bloch (1880-1959) et, plus près de nous encore, Darius Milhaud (1892-1974). Le texte biblique n'est pas fondamentalement différent de celui que nous trouvons dans la Bible et, comme le dit Yehoshua Ra'hamim Dufour, ce texte nous place dans une relation conjugale entre le Créateur et nous, dans des niveaux intimes et secrets, jusqu'aux moments les plus tragiques de l'existence. Voici le début de la traduction du texte, tout au moins les trois premiers versets du premier chapitre : 1. Hélas ! Comme elle est assise solitaire, La ville si peuplée autrefois, Et maintenant comme une veuve ! Immense parmi les nations, Princesse parmi les Etats, Elle est réduite à payer tribut ! Eikha yachéva vadad. Haîr rabbati âm, Hayéta kéalmana, Rabbati vagoyim, Sarati bamédinote, Hayéta la mas. 2. Elle pleure sans cesse la nuit, Et ses larmes couvrent ses joues. Elle n'a pas de consolateur Parmi tous ceux qui l'aimaient. Tous ses amis l'ont trahie Et sont devenus ses ennemis. Bakho tivké balaila, Védimâtah âl lé'héyah, Eïne la ména'hém, Mi kol ohavéiya, Kol réêya baguédou va, Hayou la léoyévim. 3. Yéhouda est allée en exil, Victime de la pauvreté et d'une grande servitude ; Elle habite au milieu des nations, Et elle n'y trouve pas de repos ; Tous ses persécuteurs l'ont surpris Dans l'angoisse de défilés ressérés. Galéta Yéhouda, Méôni oumérov âvoda, Hi yachéva vagoyim, Lo matsea manoa'h, Kol rodéféya hissigouah, Béin hammétsarim. Texte de Eikha, les Lamentations (traduction Yehoshua Ra'hamim Dufour) . ➨ [[Les autres rites|<span style="color:#994C6A;">Retour au sommaire</span>]]
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