Alessandro Della Ciaja
De Lamentations de Jérémie.
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Dans le livret accompagnant le CD Laboratorio '600, Colleen Reardon apporte les précisions suivantes : | Dans le livret accompagnant le CD Laboratorio '600, Colleen Reardon apporte les précisions suivantes : | ||
- | Ces Lamentations monodiques | + | |
+ | "Ces Lamentations monodiques sont composées à la demande de ses amis afin de fournir de la musique pour leurs nobles filles dans les couvents. Ces textes déchirants, expressément prévues avec chromatisme et dissonance décrivant une peinture qui rappelle la tradition des plaintes des veuves qui pleurent longtemps la mort de leurs maris. Il faut dire que la musique fleurit dans les couvents siennois au XVIIe siècle, aidée et encouragée par des archevêques qui n'entendent pas tout à fait les restrictions imposées dans d'autres villes italiennes aux religieuses cloîtrées, celles-ci étant souvent des musiciennes de talent. Il existe une pléthore de documents concernant les religieuses chantant durant les jours de fête, les processions et les rites de passage particuliers aux ordres monastiques féminins, par exemple au moment de recevoir l'habit sacré, mais aucune description de religieuses chantant ou jouant d'un instrument durant la Semaine Sainte. En 1666, l'archevêque Ascanio Il Piccolomini avertit les religieuses de fermer les portes de leurs églises à la fin de l'Office durant les trois derniers jours de ladite Semaine, car on peut supposer que de nombreux Siennois, en ces occasions, ont l'habitude d'assister aux services dans les institutions monastiques. Étant donné que des membres de la communauté laïque affluent généralement vers les couvents pour entendre des femmes chanter, la musique a dû jouer un rôle important durant les services monastiques célébrés par des religieuses durant la Semaine sainte. | ||
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+ | "Les Lamentations de Jérémie reflètent la douleur profonde pour la chute de Jérusalem (représentée comme une femme d'une grande beauté) et le destin terrible de sa population. L’un des traits remarquables du choix des textes pour les leçons consiste dans le changement du point de vue. La Leçon 1 du Jeudi saint commence par une vision panoramique de la cité solitaire, pleurant amèrement et étroitement encerclée. La Leçon 2 nous rapproche pour nous montrer la personnification de Jérusalem: une femme nue, sale, gémissante. La Leçon 3 nous présente Jérusalem à la première personne, suppliant tous ceux qui passent pour qu'ils la regardent et jugent s'il est une douleur pareille à la sienne. | ||
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+ | "On peut retrouver le même effet - ample perspective suivie d'une scène plus intime - dans les leçons du Vendredi saint. Les leçons du Samedi saint ont une structure différente: la Leçon 1 offre une certaine consolation dans la bonté du Seigneur ; les Leçons 2 et 3 décrivent les misères de l'esclavage devant être endurées pour la purification des péchés du père. Tous les textes partagent l'usage des lettres de l'alphabet hébraïque ponctuant les versets et l'addition d'une exhortation finale du livre d'Osée, ''Jérusalem, reviens à l'Éternel, ton Dieu''. | ||
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+ | "Della Ciaia a dû penser que les Lamentations convenaient particulièrement aux religieuses car l’espace conventuel protecteur et souvent magnifique était perçu comme une ''nouvelle Jérusalem'', un avant-goût du paradis sur terre. Dans ce sillage symbolique, les voix de femmes chantant à l'intérieur du cloître, sont souvent comparées à celles des chœurs angéliques. Qui, mieux que les habitantes de la Jérusalem terrestre, pourrait incarner la ville elle-même pleurant sur son sort ? La situation est des plus appropriées : des femmes enfermées entre quatre murs et consacrées à la souffrance, réfléchissant sur la tragédie d'une perspective personnelle, transformant à l'occasion la voix d'un récitant ostensiblement masculin en la leur, quand elles déplorent des conditions qui pourraient refléter la réalité de la vie monastique... En composant ces neuf leçons de ténèbres pour soprano, Della Ciaia donne à une simple religieuse la possibilité d'exprimer à haute voix la douleur de son entière communauté pour la mort du Christ. | ||
Version du 24 avril 2016 à 07:23
[Della Ciaia]
(Sienne mai 1600 - avant janvier 1678)
Compositeur amateur et dilettante italien, élève du docteur Desiderio Pecci (musicien amateur de l'élite dirigeante) en contrepoint ou l'art de la musique, né des parents de deux familles siennoises de l'élite dirigeante (Tiberio Della Ciaia et Ginevra Tolomeiil), il chante et joue du clavecin, du luth et du théorbe (selon Isidoro Ugurgieri Azzolini, l'auteur d'un compendium de biographies des Siennois les plus célèbres, Le pompe sanesi, Della Ciaia est un chanteur "charmant"), insiste sur le maintien de son identité en tant que noble, est particulièrement attentif à ne pas salir sa réputation en laissant toute suggestion qu'il est un musicien professionnel.
Parmi ses compositions, il publie en 1650 un second volume de sa musique qui est publié sous le titre de Sacred Lamentations and Motets for one voice with basso continue, dans lequel on trouve des Lamentationi sagre e motetti ad una voce con basso continuo... opera seconda ; raccolta, e data in luce da Filippo Succhielli. - Venezia, Alessandro Vincenti, (RISM C 1395) (PL-WRu).
Bastiani Arditi fournit en postface la genèse et la fonction des travaux de Della Ciaja : 0 lecteur, vous pourriez peut-être se demander pourquoi les présentes Lamentations et motets que j'ai recueillies sont toutes composées dans la clef de soprano. L'auteur a écrit ces œuvres non pour des raisons professionnelles ou sur l'ambition de les publier, mais pour satisfaire ses deux talents et les demandes pieuses de quelques amis au nom de leurs parents qui sont religieuses. Il a donc composé des œuvres pour se conformer à la plage dans laquelle les religieuses auraient à les chanter. (Doc. 18)
Dans le livret accompagnant le CD Laboratorio '600, Colleen Reardon apporte les précisions suivantes :
"Ces Lamentations monodiques sont composées à la demande de ses amis afin de fournir de la musique pour leurs nobles filles dans les couvents. Ces textes déchirants, expressément prévues avec chromatisme et dissonance décrivant une peinture qui rappelle la tradition des plaintes des veuves qui pleurent longtemps la mort de leurs maris. Il faut dire que la musique fleurit dans les couvents siennois au XVIIe siècle, aidée et encouragée par des archevêques qui n'entendent pas tout à fait les restrictions imposées dans d'autres villes italiennes aux religieuses cloîtrées, celles-ci étant souvent des musiciennes de talent. Il existe une pléthore de documents concernant les religieuses chantant durant les jours de fête, les processions et les rites de passage particuliers aux ordres monastiques féminins, par exemple au moment de recevoir l'habit sacré, mais aucune description de religieuses chantant ou jouant d'un instrument durant la Semaine Sainte. En 1666, l'archevêque Ascanio Il Piccolomini avertit les religieuses de fermer les portes de leurs églises à la fin de l'Office durant les trois derniers jours de ladite Semaine, car on peut supposer que de nombreux Siennois, en ces occasions, ont l'habitude d'assister aux services dans les institutions monastiques. Étant donné que des membres de la communauté laïque affluent généralement vers les couvents pour entendre des femmes chanter, la musique a dû jouer un rôle important durant les services monastiques célébrés par des religieuses durant la Semaine sainte.
"Les Lamentations de Jérémie reflètent la douleur profonde pour la chute de Jérusalem (représentée comme une femme d'une grande beauté) et le destin terrible de sa population. L’un des traits remarquables du choix des textes pour les leçons consiste dans le changement du point de vue. La Leçon 1 du Jeudi saint commence par une vision panoramique de la cité solitaire, pleurant amèrement et étroitement encerclée. La Leçon 2 nous rapproche pour nous montrer la personnification de Jérusalem: une femme nue, sale, gémissante. La Leçon 3 nous présente Jérusalem à la première personne, suppliant tous ceux qui passent pour qu'ils la regardent et jugent s'il est une douleur pareille à la sienne.
"On peut retrouver le même effet - ample perspective suivie d'une scène plus intime - dans les leçons du Vendredi saint. Les leçons du Samedi saint ont une structure différente: la Leçon 1 offre une certaine consolation dans la bonté du Seigneur ; les Leçons 2 et 3 décrivent les misères de l'esclavage devant être endurées pour la purification des péchés du père. Tous les textes partagent l'usage des lettres de l'alphabet hébraïque ponctuant les versets et l'addition d'une exhortation finale du livre d'Osée, Jérusalem, reviens à l'Éternel, ton Dieu.
"Della Ciaia a dû penser que les Lamentations convenaient particulièrement aux religieuses car l’espace conventuel protecteur et souvent magnifique était perçu comme une nouvelle Jérusalem, un avant-goût du paradis sur terre. Dans ce sillage symbolique, les voix de femmes chantant à l'intérieur du cloître, sont souvent comparées à celles des chœurs angéliques. Qui, mieux que les habitantes de la Jérusalem terrestre, pourrait incarner la ville elle-même pleurant sur son sort ? La situation est des plus appropriées : des femmes enfermées entre quatre murs et consacrées à la souffrance, réfléchissant sur la tragédie d'une perspective personnelle, transformant à l'occasion la voix d'un récitant ostensiblement masculin en la leur, quand elles déplorent des conditions qui pourraient refléter la réalité de la vie monastique... En composant ces neuf leçons de ténèbres pour soprano, Della Ciaia donne à une simple religieuse la possibilité d'exprimer à haute voix la douleur de son entière communauté pour la mort du Christ.
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