Jean Gilles
De Lamentations de Jérémie.
(Tarascon, près d'Avignon 1668 – Toulouse 1705)
Compositeur français, il est chantre à Saint-Sauveur d'Aix en 1678 et y reçoit un enseignement musical avec Jacques Cabassol, Laurent Belissen, Claude-Mathieu Pellegrin, André Campra et Esprit Blanchard sous la direction de Guillaume Poitevin, remplace son maître à la tête de la maîtrise entre 1693 et 95, sert à la cathédrale d'Agde, arrive en 1697 à Montpellier pour les Etats du Languedoc où il obtient la maîtrise de Saint-Etienne de Toulouse, place qui venait d'être donnée à Farinelli et dont celui-ci se désiste en sa faveur, accepte la direction de la maîtrise de Notre Dame des Doms à Avignon, mais ne quitte pas Toulouse. Il ne doit pas être confondu avec Jehan Gilles, fils d'un vigneron de Pierrefitte, qui est reçu comme chantre à la Sainte-Chapelle du Palais (Brenet, Arch. Nat. LL 603, fol. 43 r°).
Il compose à 24 ans 3 Lamantations pour solistes, ch. à 4 vx et orch. (F-AIXm, F.C. ms III pp. 536 à 584) avec une amplification symbolique de leur mise en musique (1 vx, puis 2, 3, 4 et enfin le ch.) et une alternance des solos, des duos, des chœurs, une intégration aux lignes instrumentales solistes ou à l'orchestre, d'une manière qui peut surprendre quiconque est habitué au rite traditionnel. Une délibération du chapitre de la cathédrale d'Aix, datant du 17 avril 1692, date cette œuvre : Le dict Sieur Administrateur a proposé que Gilles, serviteur de l'Esglise et du Chapitre avait pris soing et des peines considérables au subject des offices des ténèbres dont le Chapitre a été extrêmement satisfait, le priant de luy vouloir accorder quelque gratification, en mesure qu'il n'a que trant six livres de gages. Surquoy a esté délibéré que sera donné par le Ballé aud. Gilles un louis d'or valant douze livres 10 sous pour l'exciter à faire son devoir de mieux en mieux (Archive départementale des Bouches-du-Rhône, 2 G 492, fol. 515 vo).
Son œuvre tente une synthèse des influences françaises et italiennes caractéristiques de l'école provençale peu connue. Ces lamentations comprennent les versets suivants :
- 1ère Lamantation pour le Mercredy Saint au Soir : 1:1 à 1:5 ;
- 1ère Lamantation pour le Jeudy Saint au Soir : 2:8 à 2:11 ;
- 1ère Lamantation pour le Vendredy Saint au Soir : 3:22 à 3:30.
Les manuscrits autographes des œuvres ne nous sont pas parvenus, ceux figurant à la Bibliothèque Méjanes dans un recueil manuscrit étant copiés vers 1760 sans doute par Barraly, maître de musique. Ce sont donc des copies tardives.
L'étude du texte musical en regard des idées poétiques fait apparaître un souci constant de description et de rhétorique. Voici quelques exemples tirés de la Première Lamentation pour le Mercredi : solo inattendu de la voix de taille sur les paroles sedet sola civitas ; harmonie majestueuse et rythme régulier sur princeps provinciarum ; retards de septième et neuvième sur plorans (procédé harmonique cher à Charpentier) ; chromatismes douloureux sur le même plorans à la basse (descendant), et sur lacrimae ejus au haute-contre (ascendant) ; homorythmie vigoureuse du chœur sur omnes amici ejus spreverunt eam ; chute mélodique sur servitutis ; dissonance cadentielle prolongée sur inter angustias ; silence expressif sur lugent ; chute mélodique sur non sint qui veniant ; violence et colère des formules rythmiques et mélismatiques du chœur et des basses de l"orchestre sur omnes portae ejus destructue ; vocalise expressive et fausse relation chromatique (dissonance) sur gementes ; saut de septième diminuée vers le grave et tenue poignante sur amaritudine ; rythmes pointés et sautillants sur inimici ejus locupletati sunt ; contraste mélodique et harmonique entre parvuli ejus ducti sunt et in captivitatem. En fait, la musique de Gilles se réfère constamment aux différents thèmes dramatiques : déploration des victimes, sarcasmes de l'ennemi vainqueur et angoisse de la première lamentation ; punition divine, violence de la sentence, abattement et plaintes du peuple de Sion pour la deuxième ; espoir et confiance en la miséricorde divine, soumission du peuple à son Dieu pour la troisième. (Extr. du livret Ligia de Jean-Marc Andrieu)
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