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De Lamentations de Jérémie.
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Propos sur l'Office des Ténèbres
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Lorsqu'on parle de l'Office des Ténèbres, un certain nombre d'images stéréotypées viennent aussitôt à l'esprit, images venant le plus souvent des on-dit colportés incessamment au fil des années. Quelle base peut-on donner à ces représentations ? Quel crédit peut-on apporter ? Et surtout quel rapport avec la liturgie ? * <big>'''[[L'appellation de "Ténèbres"]]'''</big> * <big>'''[[Les acrostiches hébraïques]]'''</big> * <big>'''[[L'extinction des cierges]]'''</big> * <big>'''[[Le rituel du bruit à la fin de l'Office]]'''</big> Á la fin de la cérémonie, après un instant de méditation, le silence était interrompu par un bruit appelé strepitum. Ce bruit serait aussi un vestige de l'antiquité. C'est en frappant de la main sur son banc ou sur son livre que le célébrant donnait le signal du départ . Cependant, certains auteurs prétendent que le bruit fait par toute la communauté représenterait la confusion et le désordre produits sur la terre à la mort de Jésus-Christ. Pour d'autres encore, ce fracas depuis les stalles du chapitre exprime le bouleversement de la nature à l'instant où, quand le Christ expira sur la croix, la terre trembla, les roches se fendirent et les tombeaux s'ouvrirent. Que si on fait qq bruit avant de s'en aller, c'est pour montrer avec combien de tumulte & d'insolence, les Soldats envoyez se saisirent de Nôtre Seigneur, au jardin des Olives . Selon le même M. Marolles, si on frape le bois de la main, c'est que Nôtre-Seigneur criant sur le bois de la Croix, fit voir évidemment sa charité & sa miséricorde. Deux ouvrages, deux avis divergents. Augustinus Patricius Piccolomini indique: La prière étant achevée, le maître des cérémonies frappe avec sa main une marche de l'autel ou sur quelque banc, et tous dans une certaine mesure provoque un bruit ou claquement. Ceci représente symboliquement la convulsion de la nature qui a suivi la mort de Jésus-Christ. Selon la Société des Libraires, le petit bruit que l'on fait à la fin de Laudes, represente cette confusion qui parut dans toute la Nature à la mort de son Auteur, lorsque les pierres se fendirent, les Sepulchres s'ouvrirent, le Voile du Temple fut dechiré, &c. Pour d'autres encore, il représente les ténèbres et le tremblement de terre qui arrivèrent à la mort du sauveur, ou bien le bruit ou le tumulte des soldats à la Passion . Pour M. de Berthomeuf, le bruit qui se fait à la fin des Tenebres signifie [que] le Ciel obscurci, les tombeaux ouverts, l'alarme & l'émeute de Jerusalem à la mort du Seigneur ; ce renversement de la nature en a converti plusieurs ; quelques-uns des plus mechans s'en retournoient en frapant leurs poitrines, & en reconnoissant la divinité de Jésus-Christ. Dans le pays nantais, le Vendredi Saint on soufflait à pleins poumons dans des cornards, gros coquillages de mer, et l'on tambourinait aux portes des églises avec des marteaux de bois à l'Office des Ténèbres pour marquer la mort du Christ . Au Guatemala, on actionne la sirène des tremblements de terre à trois heures de l'après-midi du Vendredi Saint. Selon M. Grancolas, on ne voit nulle part qu'on fit du bruit à la fin des Ténébres ; l'Officiant donnoit seulement le signal en frappant de la main sur son Livre ou sur son siége, pour avertir de s'en aller ; les jours solemnels ausquels l'Eglise étoit pleine de Peuple, il étoit obligé de frapper plusieurs coups pour être entendu de tout le Peuple. Le Bréviaire Romain dit qu'on ne doit faire qu'un petit bruit : Fit fragor & strepitus aliquantulum. Dans l'Office de la Semaine Sainte de 1749, on est offusqué de voir de tel débordement : on n'a garde de parler comme de quelque chose de mystérieux, de ce bruit tumultueux qu'on fait aujourd'hui après la fin de ce même Office. Ce seroit faire injure à l'Eglise, que de lui attribuer un désordre visible, qui ne vient ordinairement que de gens sans piété, sans raison & sans éducation, & qui ne sert qu'à faire gémir ceux qui ont une piété véritablement éclairée. Pour Cancellieri, on fait un peu de bruit après le récit du Pape de l'oraison Respice quæsumus Domine. Selon quelques auteurs il vient d'un Rit de la sinagogue, dans la quelle, toutes les fois qu'on proferait le nom d'Aman, les juif faisoient du bruit, et du fracas. Il represente selon d'autres la marche des soldats qui ayant Judas pour guide, allerent se saiser du sauveur pour l'emprisonner ; mais il est plus vraisemblable, selon le sentiment de Mazzinelli, dont les savantes explications sur la semaine sainte, méritent d'être preferées à toutes les autres, que ce bruit exprime, le trouble horrible, et la confusion de la nature, à la mort du Redempteur, lorsque le soleil s'obscurcit, la terre trembla, le voile du temple se déchira, les tombeaux s'ouvrirent, les pierres se fendirent, que toute la nature se ressentit de la mort de son auteur, les juifs seulement, appelé pour cela par saint Leon, plus durs que les pierres mêmes, resterent dans leur incrédulité : il n'en fut pas de même du centurion qui, se retira, baissant la tête, en frappant la poitrine, confessant pour fils de Dieu celui qu'il avait vu expirer sur la croix, au milieu de tant de prodiges ; aussi après qu'on a retiré le cierge allumé de derriere l'autel, tout le monde se leve, et part en silence, et avec componction. Ce bruit rappelle le désespoir causé par la mort du Christ, selon Celler. Mais, il dit par ailleurs dans un autre ouvrage qu'Anciennement, on frappait des tablettes de bois pour appeler aux offices dans les jours où les cloches s'abstenaient de sonner, et l'on prétend que le bruit que les cardinaux font après le miserere est un souvenir de l'agitation des cliquettes et rappelle le désespoir qui interdisait tout autre moyen de convocation. Mais d'autres interprétations sont avancées selon lesquelles ce bruit aurait pour origine des rites païens (voir ci-après le rituel corse). C'est en parlant des chants liturgiques que Clerval indique qu'au cours du Triduum, les Ténèbres se terminaient ainsi. Après le Benedictus, deux chanoines, près de l'autel, chantaient trois fois, puis deux fois, puis une seule fois : Kyrie eleison, et à chaque coup, les enfants leur répondaient : Domine, miserere nobis. Les deux chanoines entonnaient ensuite : Factus est obediens usque ad mortem, et un enfant ajoutait seul : mortem crucis. Puis on priait, prosterné sur le pavé, jusqu'à ce que le Doyen eût donné le signal de se retirer, en frappant trois fois sa stalle. En 1706, Claude de Vert, sur ce sujet, reste assez évasif. Il n'est pas certain qu'il ait étudié la question au vu de la réponse qu'il apporte dans le dialogue entre les deux moines. Son interlocuteur rapporte ceci : C'est le signe pour sortir, & en même temps avertir le Sacristain de donner de la lumiere, soit en faisant paroistre celle qu'il a tenu cachée pendant le Benedictus ou le Christus factus est ; soit en ralumant quelque cierge ou quelque bougie, il y avoit des Eglises où pendant le Benedictus on ne reservoit aucune lumiere. Á cela de Vert lui répond : Mais pour donner un signe, faut-il faire tant de bruit ? La réponse est des plus déconcertantes : Cela pourroit venir de ce que comme ce signe n'étoit pas toûjours entendu du Sacristain, lequel étoit ou derierre l'Autel ou dans la Sacristie, il falloit que le President ou le plus ancien du Chœur, ou le Chantre , ou le Semainier , ou le Maître des Cérémonies , (car sur cela il y avoit differents usages) réiterât son signe & frapât à diverses reprises, & jusqu'à trois ou quatre fois sur sa forme ou sur son livre, ou autrement, pour se faire entendre ; & même que ceux qui étoient proche de luy, fissent aussi quelque fois du bruit par la même raison. Bien plus, on fut obligé en quelques Eglises, comme à Paris, d'aller faire ce bruit derriere l'Autel. Enfin tout cela donna lieu à cette Rubrique des nouveaux Bréviaires, fit fragor & strepitus : au lieu que jusques-la pour marquer ce signe, on s'étoit toujours exprimé ainsi : percutiat suppel, qui præst ou Abbas ou Prior , ou Cantor , ou Prælatus , ou Hebdomadarius , ou Episcopus , ou Decanus , ou Sacerdos , ou Cœremoniarius , ou Maior , &c. facit signum , ferit cum malleo , signet , percutit , facit percussionem , facit sonitum , facit sonum , signo facto ou dato , signo facto per sonitom , seniore pulsante , fit sonitus , fiant sonitus , &c. Mais depuis quand les termes fit fragor & strepitus ont-ils été substituées aux précédents ? Il faut qu'il n'y ait guere plus d'un siecle. Au moins avant le Concile de Trente n'en est-il fait nulle mention dans aucun Breviaire que je sache, même dans le Romain. Post RESPICE, lumen absconditum reportatur : voilà tout ce que dit le Breviaire de 1543. Plusieurs Eglises, Cisteaux, les Chartreux & quelques-autres n'ont pas encore introduit ce bruit. Le Breviaire de la Congrégation de Valladolid en Espagne de 1610. & celuy de Brioude de 1654.& d'autres, n'en disent rien. Il paroit même qu'il n'y a pas longtemps que c'étoit encore un bruit reglé, qui retenoit tout-à-fait de l'ancien signe, étant fait & réïteré seulement jusqu'à trois fois par le Président du Chœur , ou tout au plus par ceux qui chantoient le Kyrie derriere l'Autel ; & non un bruit confus & tumultuaire de tout le Chœur, & même de toute la Nef, ainsi qu'il se pratique presque par tout aujourd'huy. Je ne doute point que ce qui a le plus contribué à induire à faire ce bruit, n'ait été l'équivoque de la Rubrique fit fragor & strepitus, laquelle ne déterminant point en effet par qui ce bruit se devoit faire, a laissé à tout le monde la liberté de se sousentendre ; chacun croyant que le verbe indefini fit, pouvoit le regarder & luy convenir : au lieu qu'à s'appliquer tant soit peu à cette expression fit fragor à strepitus, il est visible qu'elle est formée de celle-cy, Sacerdos facit fragorem ou strepitum ; & que ce n'est que la construction active qui a été changée en passive, en sorte que la personne designée par l'ablatif sousentendu de fit dans cette nouvelle Rubrique, ne peut être que celle-là même qui dans l'ancienne maniere d'exprimer ce signal est designée par le nominatif de facit. Le Manuel des cérémonies de Rome de 1866 reste très discret sur ce rite et signale seulement qu'après le Miserere, le Souverain Pontife récite l'oraison à la fin de laquelle on fait un peu de bruit dans la chapelle ; puis le Pape et les Cardinaux se retirent . Aucune explication sur la signification religieuse d'un tel geste. Á la fin du XIXe siècle, Paul Renouard rapporte que le bruit qui se fait entendre, c'est le tumulte de la nature au moment où le Christ ayant expiré, la terre trembla, les rochers se fendirent et les sépulcres s'ouvrirent. Le cierge reparaît : c'est la Résurrection. I. Goschler apporte une réponse simple à cette même question. Pour lui, le bruit de crécelles qu'on fait entendre à la fin de l'office, a pour but de donner aux assistants le signal du départ . Plus loin, il justifie également l'utilisation de la crécelle en l'absence des orgues et de toute musique instrumentale y compris les cloches, pour exprimer notre deuil et nous inspirer une plus grande tristesse : durant ces jours, les Apôtres, les témoins du Christ, tremblants devant les Juifs se cachèrent et se turent, nous faisons de même taire les cloches, leurs symboliques représentants… Quant aux crécelles dont nous nous servons à cette époque, elles ont pour but, 1° de fortifier en quelque sorte en nous la tristesse par le bruit monotone et sec de ces instruments de bois ; 2° de mortifier nos sens, en remplaçant l'harmonie solennelle des cloches, l'éclat joyeux et clair des sonnettes, par le clapottement peu musical de cette aigre machine ; 3° de nous faire pratiquer l'humilité en nous convoquant au culte divin non plus d'une manière solennelle et pompeuse, mais d'une façon pauvre et discordante ; 4.° de nous rappeler que ce fût par un instrument de bois, par le bois sacré de la croix, que tous les peuples furent appelés à la connaissance de Dieu et de l'éternel salut. Boileau dans Le lutrin (~1674) parle de la crécelle utilisée au cours de la Semaine Sainte en lui conférant une sinistre renommée : Prenons du saint jeudi la bruyante crécelle… ... Du fond poudreux d'une armoire sacrée Par les mains de Girot la crécelle est tirée. Ils sortent à l'instant, et, par d'heureux efforts, Du lugubre instrument font crier les ressorts… Le quartier alarmé n'a plus d'yeux qui sommeillent ; Déjà de toutes parts les chanoines s'éveillent L'on croit que le tonnerre est tombé sur les toits, Et que l'église brûle une seconde fois ; L'autre, encor agité de vapeurs plus funèbres, Pense être au jeudi saint, croit que l'on dit ténèbres, Et déjà tout confus, tenant midi sonné, En soi-même frémit de n'avoir point dîné. (Chant Quatrième) Des instruments ont ainsi été mis à la disposition des enfants de chœur pour pallier l'absence des cloches qui rythment les cérémonies de la Semaine sainte. Aujourd'hui, on n'en fait plus cas. Il faut rechercher dans les archives pour retrouver ces substituts d'instruments. L'Illustration en donne une liste assez détaillée qui touche également le remplacement des grosses cloches de l'église. Nous n'en parlerons donc pas et le lecteur pourra se référer à l'Annexe B. Une première indication de l'usage de Schallbretter ou planches sonores, se trouve dans le De ecclesiasticis officiis libri quatuor, de Symphosius Amalarius, abbé de Hornbach dans le diocèse de Metz, et qui mourut en 857 : elles servaient au lieu des cloches pour convoquer les fidèles à l'église. Ces Schallbretter sont les ancêtres des cloches de bois, dont les crécelles peuvent être des réductions. Cette indication est confirmée par Jean de Bayeux, dit d'Avranches, archevêque de Rouen au XIe siècle, qui assure que de son temps les cloches, après le Gloria du jeudi saint, étaient remplacées par des tabulae ou tablettes . A ranger dans la catégorie des claquettes ou des battoirs, cette imitation de bréviaire en bois qui, en se refermant, produit un bruit sec. Cet instrument était encore utilisé au XXe siècle. En Corse, une fois les chants terminés, un cercle est formé par des membres des confréries pour frapper sur le sol avec les palmi, les mazzuchi, branches de palmier provenant des environs de Bonifacio (appelés aussi les instruments des ténèbres dans d'autres lieux). Ils utilisent également la troccula, une crécelle avec caisse de résonance. Des commerçants disposaient des caisses en bois devant leur boutique pour que les enfants tambourinent aussi avec des mazzuchi. Cette coutume, pratiquée également dans d'autres régions de l'île, rappellerait le tremblement de terre qui a accompagné la mort du Christ. Les livres des confréries ne mentionnent pas ce bruitage parce que les autorités épiscopales ont dû sévir pour faire face à ce vacarme. Dans l'esprit du peuple, ce bruit était connu pour mettre les démons en déroute… Dans d'autres lieux, après l'extinction des cierges, se déclenche un vacarme infernal. Les fidèles forment un cercle et tapent sur le sol, et les murs de l'église avec de longs bâtons en arbousier ou des branches de palmier. Tout ce charivari, destiné à chasser les démons symbolise le fracas du tremblement de terre qui accompagna la mort du Christ. Matthieu 27 verset 51 :" Ed eccu chi u velone appesu in u tempiu si strisgio in diu da cima in fondu a terra trimo è e petre si sbacconu". Comme on peut le voir, l'ingéniosité du clergé a pourvu au remplacement des cloches pendant les deux jours de la semaine sainte où elles restent muettes. L'usage des crécelles pour le strepitum répond ainsi au besoin de faire abstraction de la musique au cours des deux jours qui précédent la mort du Christ. Ceci étant, on reprendra encore la réflexion de Grancolas : n'a-t-on pas rendu énigmatique quelque chose d'ordinaire et sans dessein, alors qu'il s'agissait tout simplement de répondre à un impératif d'ordre technique pour indiquer la fin du recueillement ! C'est également la conclusion de l'un des rédacteurs de La Semaine Sainte à Rome qui résume la situation en indiquant que les interprétations mystiques qu'on a voulu rattacher au bruit que l'on fait à la fin de l'office sont tout aussi erronées, car, après l'office, la conclusion de l'oraison étant secrètement récitée par le célébrant, celui-ci ou le supérieur du chœur, donnait le signal du départ. ➨ [[Lamentations|<span style="color:#994C6A;">Retour au sommaire</span>]] == L'anticipation des matines == Au XIIe siècle, pour des raisons de commodité dans les paroisses, la transposition à la veille au soir, lors de l'office des Laudes, donc à la tombée de la nuit, renforce l'aspect ténébreux de ces offices qui célébraient la Passion du Christ conformément à son déroulement : Jeudi Saint, l'agonie et l'arrestation du Christ, Vendredi Saint, la mort sur la croix, Samedi Saint, la descente de la croix et la mise au tombeau. Les Trois jours saints ont été récemment repoussés d'un jour par décret du pape Pie XII du 30 novembre 1955 afin de rétablir la place primitive des offices. Il n'est pas difficile de comprendre le caractère dramatique que conférait une telle présentation liturgique. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles les compositeurs ont écrit les morceaux les plus fervents de l'histoire de la musique. Sans doute, les Passions doivent être attachées à cet engouement pour le drame mis en musique. ➨ [[Lamentations|<span style="color:#994C6A;">Retour au sommaire</span>]] == Les processions == === La tradition andalouse === On sait que les maîtres de chapelle espagnols avaient également l'obligation de composer de la musique sacrée. C'est un fait avéré par les nombreuses compositions conservées dans les cathédrales et que l'on retrouve dans les colonies hispano-américaines. Mais il se trouve que les documents qui nous sont parvenus aujourd'hui parlent plus facilement des processions de la Semaine Sainte que des Ténèbres. C'est à partir du XVIe siècle que les traditions andalouses de la Semaine Sainte s'expriment par les habituelles processions qui attirent encore beaucoup de touristes aujourd'hui. C'est Séville qui ouvre le chemin à cette grande tradition imprégnée d'inspiration profane et de caractère subversif propres aux rituels carnavalesques. La Semaine Sainte n'est pas la seule fête religieuse touchée par cette déviation puisque la Fête-Dieu subit également les mêmes turpitudes. Gonzalo de Céspedes y Meneses disait déjà que Séville célèbre les offices de la Semaine Sainte d'une façon si particulièrement somptueuse qu'elle laisse Rome, tête du monde et siège de l'Eglise, loin derrière. C'est à cette même époque que se constituent les confréries de pénitence si actives au cours de ces processions : d'origine corporative (tonneliers, boulangers, etc.), appartenant à une même catégorie sociale ou à une même fonction publique (aristocratie, avocats, etc.) ou appartenant à une même ethnie ou à une même nation (noirs, mulâtres, Catalans, etc.), chaque confrérie s'attachait à se distinguer des autres par des expiations publiques, par des costumes typiques ou par des accompagnements musicaux. Le synode de Séville de 1604 dénonçait déjà les vanités et les vices qui dénaturaient la Semaine Sainte. Peine perdue, puisque les frères Tharaud décrivaient longuement les processions sévillanes au début du XXe siècle en ces termes : la porte de l'église s'ouvre et l'on voit dans les profondeurs des milliers de cierges embrasés. Ils sortent en files interminables, portés par des processionnants tout habillés de noir, les reins sanglés d'une cuirasse de chanvre, avec des cagoules si hautes qu'elles atteignent, sans exagérer, la hauteur du premier étage des petites maisons fardées. On ne les porte plus, ces cierges, comme pendant le jour, parallèlement à la terre, mais inclinés sur la hanche et se croisant deux par deux. Quand finiront-ils de sortir ! J'en ai compté déjà des centaines, et en voici des centaines et des centaines d'autres encore. Il en sort, il en sort toujours, et là-bas au fond de l'église la forêt scintillante n'a pas encore diminué. Un chemin de feu s'est tracé dans la foule sombre et bruyante. Puis tout à coup, dans le portail, un vaste espace de lumière paraît se détacher doucement. C'est le paso qui sort (p. 26) [...]. Les saéta jaillissent coup sur coup, mêlant dans un désaccord étrange leurs accents graves ou aigus et leur ardeur à réussir la note que le public attend pour applaudir ou siffler. Près de moi, une femme [...] multiplie les roulades [...] Une autre, assise à une table [...] se met à roucouler, car son chant est plutôt celui d'une pigeonne que celui d'un rossignol (p. 22). [...] Il est quatre heures du matin. Je succombe aux processions. Je n'ai plus le courage de m'atteler à aucun char, d'entendre aucune saéta, de recommencer des stations dans les cafés et les bars toujours pleins (p. 29). Depuis le XVIe siècle, les processions se sont nettement propagées en Espagne et en Amérique latine prenant même une disproportion touristique exagérée tout en s'éloignant de leur destination d'origine. Il est curieux de noter, quand même, que si on enregistre un large étalage des processions espagnoles, on fait peu cas de la musique exécutée ou chantée dans les églises. ➨ [[Lamentations|<span style="color:#994C6A;">Retour au sommaire</span>]]
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