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De Lamentations de Jérémie.
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Les acteurs
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Il serait vain de parler du rituel religieux, du cérémonial romain entre autres, si, en dehors des indications "scéniques" des cérémonies proprement dites, on ne parlait pas de ceux qui les ani-ment, c'est-à-dire des acteurs. Au fond, comme dans les productions théâtrales, il faut réunir plusieurs éléments : les dialogues, la didascalie, les acteurs et les décors. On s'arrêtera là avec le rapprochement du milieu théâtral pour se concentrer sur les officiants des matines de la Semaine Sainte. Il existe toute une hiérarchie au sein des cathédrales à commencer par son chef suprême, l'évêque qui préside ou non la cérémonie. Ces deux cas sont d'ailleurs présentés séparément dans les cérémoniaux. Comme il ne s'agit pas d'une étude prosopographique. On laissera donc de côté toutes les fonctions hors du domaine musical, même s'il le touche parfois . Ce chapitre abordera d'abord le chœur bien entendu, mais également les chantres , le maître des enfants, le règlement intérieur d'une maîtrise, les enfants de chœur, le chant sur le livre et le corps de musique. * <big>'''[[Le chœur]]'''</big> * <big>'''[[Ce chantre entonne mal]]'''</big> * <big>'''[[Le maître des enfants ]]'''</big> * <big>'''[[Le règlement intérieur]]'''</big> * <big>'''[[Les enfants de chœur ]]'''</big> Des enfants de chœur ont servi les offices dès les premiers siècles après Jésus-Christ comme l'attestent certains registres capitulaires. Ils ont été regroupés en maîtrise ou psallette, bien plus tard. Les enfants de chœur des cathédrales appartenaient quelquefois à de hautes familles, plus généralement à la bourgeoisie (haute et petite) et plus rarement à la classe rurale. Ils portaient le costume des clercs, la tonsure, l'aube, le ceinturon et dans certains diocèses l'amict . Ils remplissaient également des fonctions diverses comme thuriféraires ou acolythes . C'est au cours du XIII<sup>e</sup>-XIV<sup>e</sup> siècles qu'une séparation s'opère entre les clercs "de service" et ceux consacrés au chant. Les maîtrises sont intégrées dans un dispositif liturgique et musical serré dont l'importance est fonction du rang du chapitre. Les plus célèbres, selon Clerval, seraient celles de Paris, de Rouen, d'Amiens et de Chartres. En Espagne, à Tolède, les clercs remplissaient également d'autres fonctions. Certains ''seises'' et des autres ''clerizones'' dansaient dans l'église tandis que d'autres, travestis, animaient des scènes "théâtrales" religieuses (prophétie de la Sybille lors des matines de Noël, bergers pour la messe de minuit, etc.). A la maîtrise de la cathédrale de Chartres , les enfants de chœur ont reçu des noms qui caractérisent bien la jeunesse des voix : du XIV<sup>e</sup> à la Révolution, ''enfants chanoines de N.-D.'', élèves ou ''nourrissons'' de l'église, ''clercs'' ou ''petits clercs'' ; dans les premières années, ''pueri chori'' ou de ''choro'' ; de 1316 à 1326 environ, des enfants ou clercs de chœur en aube, ''pueri'' ou ''clerici chori in albis'', ''pueri chorales'' (1385), ''enfans de cuer'' (1415) et enfants d'aube, ''pueri in albis'', jusqu'au dernier tiers du XV<sup>e</sup> siècle. Dans d'autres endroits, on les nomme petits chantres (''choraules'' à Colmar) ou encore ''pueri altaris'' (Rouen). Á Angers, ''les enfants sont appelés d'abord ''pueri chori'', enfants de chœur, ou bien ''sertores'', ''serteurs'', serviteurs. Fin 17ème siècle et 18ème, on les désigne sous le nom de ''pueri simphoniaci''. Ces noms disent qu'ils ont une fonction de service dans les offices du chœur et que le chant et la musique font particulièrement partie de leur fonction'' . On a peu de description de la cérémonie des Ténèbres. Dans l'Histoire de la Maîtrise de Rouen, les Abbés Collette et Bourdon décrivent par une anecdote romancée de maîtrisien la première des trois cérémonies qu'il est apparu bon de rappeler . ::''C'est le mercredi saint, on fait l'office des Ténèbres''. ::''La pensée du Calvaire oppresse les âmes, il y a dans l'air comme une émotion répandue ; on ne sait pourquoi, on se sent un vague désir de pleurer''. ::''Tout à coup… Mais laissons la parole à un ancien enfant de chœur aujourd'hui publiciste. M. Cornély faisait naguère ce tableau charmant dans lequel plus d'un vieil habitué de la Cathédrale de Lyon a cru le reconnaître : Tout à coup on voit se lever d'un des bancs les plus bas un tout petit clerc. Il doit avoir onze ans. Il a le corps grêle, les cheveux châtains, les yeux bleus. Il a les joues roses, d'ordinaire du moins, car pour l'instant ses joues roses sont blanches d'émotion''. ::''Avant de sortir du milieu de ses camarades, il a donné un coup de coude à droite en disant :'' J'ai bien peur. ''Et un coup de coude à gauche en disant :'' Surtout ne me fais pas rire. ''Ça, c'est de la forfanterie, car il n'a pas envie de rire du tout le petit clerc. Il a les tempes, la gorge et l'estomac serrés, et ses mains, croisées sous son camail, sont toutes froides''. Il se dirige en chancelant vers la vaste estrade, élevée de trois marches, qui termine le chœur et sur laquelle sont d'ordinaire installés les pupitres de la Maîtrise. Il écoute les dernières notes de la ritournelle de l'orgue et il commence, après avoir toussé doucement pour s'éclairer la voix. ::C'est un petit son aigrelet, tremblotant, mais bien juste, qui sort de cette frêle poitrine et qui murmure : Incipit lamentatio Jererniæ prophetæ. Sur la dernière syllabe il y a une cadence lente et plaintive dans le mode mineur que l'enfant chanteur a particulièrement travaillée. Il l'exécute d'une manière qui le satisfait lui-même. La voix se raffermit. Ce n'est plus l'oisillon qui bal de l'aile au bord du nid : c'est l'oiseau qui vole. Sorti du petit corps, un lamento, de seconde en seconde plus sonore, grandit, s'élève, plane. Il va frapper les vitraux qui tamisent les restes du jour dans l'abside et à travers lesquels les rayons du soleil mourant viennent diaprer les feuillets du gros livre, qui vibrent dans les doigts du petit clerc. Il monte, il contourne les piliers ; il monte encore, il emplit les voûtes et il redescend sur le chantre minuscule, qu'il excite, qu'il enivre. L'enfant n'est plus à terre. Il lui semble qu'il s'est envolé à travers le temps et l'espace, qu'il est devenu la voix de Jérusalem pleurant son veuvage, sanglotant sur ses gloires détruites et ses fils disparus. Et, sous les nefs immenses, debout depuis six siècles, il s'égosille harmonieusement, comme un rossignol aux yeux crevés pour qui la nature tout entière se résume en son propre chant. Ses camarades et ses maîtres le regardent avec étonnement. Les vieux chanoines ont remonté sur leur nez, pour mieux le voir, les lunettes d'or aux verres bombés... Et là-bas, bien loin, près du bénitier, une brave femme, une mère, pleure délicieusement en buvant de toutes ses oreilles ce pépiement sacré qui est sorti d'elle. C'est fini. Fiévreux, baigné de sueur, après avoir sangloté sa dernière note, l'interprète du prophète Jérémie revient à son banc et regarde ses condisciples, qui lui font signe avec l'œil qu'il a très bien chanté. Les Ténèbres s'achèvent. Les clercs déposent au vestiaire calotte, camail, surplis et soutane, et, tout à l'heure, les cris joyeux de leur récréation succéderont aux lamentations du prophète." Hors de l'église, en effet, il n'y a plus en eux que d'ordinaires écoliers. Le nombre des enfants était généralement fixé à 6, mais il pouvait être plus important dans certains chapitres plus fortunés. Il était de 16 en Angleterre, nombre fixé par le roi Henri VI. Le "Choir" anglais est toujours composé de la même manière : les 16 "Trebles" enfants, 4 altos, 4 ténors et de 4 à 6 basses. Le recrutement s'effectuait à partir de six ans. Le maître de musique, quelquefois le chantre ou un chanoine, écoutait les voix pour les estimer. Cet examen était complété par un autre mais médical cette fois-ci. Suivant les maîtrises, les parents étaient tenus de fournir vêtements et chaussures à l'entrée de l'enfant en maîtrise mais ensuite, la pension, l’habillement, l'entretien, l'instruction et les soins médicaux étaient entièrement gratuits. Ils étaient tous regroupés dans une maison commune, l'escolle des enffans , qui leur assurait le clos, le couvert et les répétitions. L'emploi du temps de l'enfant de chœur était très serré. Levé tôt, vers cinqu heures trente en été et six heures trente en hiver, couché tôt, vers vingt heures trente, il assistait à matines, à la grand-messe et aux vêpres, et, entre ces moments forts de la journée, recevait l'"instruction". Celle-ci consistait à l'étude de l'écriture, il faut se rappeler que les enfants entraient jeunes à la maîtrise, de la langue latine, de la musique, et, pour les plus doués, d'un instrument, clavecin, épinette, orgue, serpent, violoncelle, etc. Aux enfants étaient réservés les leçons et les répons ; les six plus jeunes les chantaient l'un après l'autre et leur voix claire et fine s'élevant dans l'immense vaisseau [de la cathédrale de Reims] contrastait étrangement avec la psalmodie vigoureuse du chœur . Á la maîtrise de Rouen, jusqu'à la moitié du XVe siècle, [les enfants] n'eurent à étudier que l'antiphonaire et le graduel, le plain-chant étant alors seul en usage ; mais ils devaient, ainsi que les chapelains, chanter tout de mémoire, sauf les leçons qu'ils lisaient à l'aigle, où un petit pupitre avait été disposé pour eux, comme on le voit dans le marché passé avec un artiste de Liège chargé de faire un nouveau lutrin en 1394 . Le Chapitre voulut qu'il fût en laiton fin, et pareil à celui de l'église de Paris, "…ains que le bec et le col de l'esgle seront de meilleure contenance et fachon… ; et si ara, dessoubs la queue de l'esgle, un petit létron pour les petits enfants d'autel…". Tous les jours ils récitaient la première leçon de Matines et chantaient le premier répons, sauf à la fête de la Toussaint où on leur réservait le huitième se rapportant aux vierges, qu'ils chantaient en aube, un cierge à la main et la tête couverte de leur amict comme d'un voile. Bien entendu, à toutes ces activités, s'ajoutaient les répétitions pour les offices. Certains s'essayaient à la composition. Ainsi, le 12 décembre 1738, Mathurin Phelippeaux reçut-il la somme de douze livres pour ses premières œuvres . Jamais les compositeurs n'avaient été si nombreux, les enfants de chœur écrivant eux-mêmes des messes et des motets : la composition est aujourd'hui chose commune, et il n'y a si petit chantrillon qui ne fasse maintenant plus que compagnon. Aussi, n'est-il pas surprenant que ces susdits compositeurs soient aujourd'hui justement oubliés. Il fallait avoir une santé "de fer" pour assurer ce rôle d'enfant de chœur. La veuve Guyot, dans son Mémoire contre le Chapitre, insiste avec acrimonie sur ce point : Exposé qu'il a toujours été à avoir la tête rasée treize fois l'année, à être dans l'église la tête nue, hiver et été et, très souvent des journées entières, la plupart du temps debout, à remplir ses devoirs et à chanter, son tempérament et sa santé se sont altérez et altérez à un point à s'en sentir toute sa vie. Les enfants devaient quitter la maîtrise lors de la mue de leur voix. Certains prolongeaient leur enseignement musical afin d'obtenir une place de chanteur ou d'instrumentiste, d'autres leurs études en Faculté afin d'embrasser l'état ecclésiastique, d'autres devenaient des acolytes, d'autres encore étaient placés en apprentissage. La maîtrise est exclusivement consacrée aux cérémonies de la cathédrale ou de la collégiale à laquelle elle est attachée. Quelques chapitres défendaient ce principe, des sanctions à l'encontre de maître de musique, des chantres et des clercs sont requises, mais ils durent admettre quelques exceptions et quelques élargissements à cette règle pour la satisfaction des autres paroisses. Il n'y eut jamais d'autorisation pour des manifestations profanes. L'enfant de chœur recevait mensuellement des amanons . La tenue du maîtrisien est très disparate d'un diocèse à l'autre. Elle est toujours fonction de la richesse locale de ses Seigneurs et Monseigneurs. Ainsi, à Dijon, l'enfant de chœur porte une soutanelle rouge, un surplis et un camail rouge à laquelle est ajouté le vert épiscopal sur le tour de cou, des liserés, des boutons et un entre-deux sur les chaussures à boucles dorées, une ceinture verte et une calotte rouge. A Saint-Nazaire, les enfants portaient nécessairement la soutane rouge - le saiòl pour les plus jeunes aussi doublée, avec un empiècement sur le devant de même couleur et une large bande en guise de ceinture ; un bonnet carré, rouge, complétait l'ensemble. Dans le chœur, l'aube blanche était de rigueur, la ceinture marquée par un cordon, la calotte ecclésiastique sur la tête. Ces aubes étaient de beau tissu pour les offices solennels, mais, par mesure d'économie, on retaillait les aubes courantes, pour les jours de semaine, dans de vieilles nappes hors d'usage. Á Angers, aux 15ème et 16ème siècles, les enfants de chœur ont porté aussi chapes et dalmatiques. De 1407 à 1600, les inventaires nous énumèrent les dalmatiques. Il y a les violettes en satin, les vertes (celles des dimanches ordinaires) qui sont usées et pleines de cire. […] on apprend aussi que [les dalmatiques] blanches, précieuses sont destinées aux fêtes de Notre-Dame - quatre de vieil velours noir sont réservées aux anniversaires. Les chapes avaient l'avantage d'être plus chaudes dans une cathédrale glaciale en hiver : mais dès 1525, le Chapitre commence sans doute à moins les apprécier, il décide de transformer des chapes noires en dalmatiques. On peut aussi rappeler que pour les processions du Sacre, les enfants portaient des couronnes ou des chapeaux de roses . En 1583, le Chapitre décide que les enfants de chœur ne porteront plus de chapes noires, comme il était pour lors d'usage, mais des aubes blanches . Á Rouen, le costume de chœur des [enfants de chœur] se composait d'une tunique ou soutane en drap généralement de couleur violette, d'une aube unie et de peliçons ou camails se terminant en point comme ceux des chanoines. L'hiver ils portaient de longs manteaux noirs à queue. A partir de 1460 ces vêtements furent garnis de fourrures. Comme presque partout, et même jusqu'à la fin, les enfants portaient la grande tonsure avec une simple couronne de cheveux, dont le soin particulier était assuré par un maître chirurgien. Cet usage se perpétua jusqu'au XIXe siècle dans certaines maîtrises. La jeunesse est turbulente. Celle des siècles passés ne déroge pas à la règle. Ainsi l'abbé Prévost signale une punition à un enfant qui avait jeté en plein chœur une absconce à la tête d'un des vicaires présents . Le Chapitre n'hésitait pas à recourir aux châtiments corporels ou à la prison, à la privation des gratifications ou du salaire par l'intermédiaire de commissaires enquêteurs . Á Rouen, un jour [3 et 4 septembre 1466] on dressa contre lui [Jean du Crotay] un long réquisitoire au Chapitre, dans lequel on lui reprochait "de traiter durement ses élèves, de les frapper à coups de pieds et de poings, de ne pas les instruire suffisamment sur la musique et la grammaire, de ne pas mettre à profit le temps qui suivait matines, le plus favorable pour l'étude, de les laisser souvent inoccupés et vagabonds pour s'en aller chanter des messes avec des camarades et (ce qui était plus grave) d'aimer à fréquenter les tavernes et de rentrer tard au logis du grand-chantre où couchaient ses élèves. Toujours à Rouen, l'histoire raconte que Charles Broche, l'organiste de la cathédrale, d'un caractère violent et emporté, menait assez rudement ses élèves. Le petit Boïel , ayant fait un jour une tache d'encre sur un des cahiers de son maître, prit la fuite pour se rendre à Paris. Á l'étranger, Haydn n'avait pas été mieux traité à la maîtrise de Vienne ni chez son cousin Franck, où il reçut, comme il l'a dit lui-même, plus de taloches que de bons morceaux, ni chez le vieux Porpora, auquel il servait de domestique. Grétry fut très durement mené aussi à la collégiale de Saint-Denis de Liège, où il avait été reçu comme enfant de chœur à l'âge de six ans. Il faut dire que ces rigueurs étaient à l'époque d'un usage courant, ceci, bien entendu, sans chercher à justifier l'attitude excessive de certains vieux maîtres. D'un caractère violent et emporté, Nicolas Morel, comme les hommes passionnés, passait facilement d'un excès à un autre, corrigeant ses élèves avec dureté ou leur laissant une trop grande liberté. La maîtrise était logée généralement dans une maison loué ou acheté par la fabrique, à proximité de la cathédrale ou de la collégiale. Le nom de cette maison a pu varier au cours des siècles en fonction de l'évolution de la langue française mais sans influence sur sa fonction. C'est ainsi que l'on peut trouver les noms de domus puerorum, ostel des enfants de cuer (1415), ostel des enfans d'aulbe (1462). La maîtrise communiquait avec la fabrique par l'intermédiaire directe de chanoines, de cloîtriers, du maître de chapelle, du maître de grammaire, d'un commis (commis à l'Œuvre) ou, lorsque l'organisation était assez forte pour la prévoir, par une commission (Commissi ad domum puerorum). La longue histoire des maîtrises ne pourrait se terminer si on ne rappelait pas le problème des enlèvements d'enfants qui, dès le XVe siècle, gangrenait l'organisation des cathédrales. C'est déjà en 1517 que François Ier avait été marqué par la perfection du chant et de la beauté des voix d'un des enfants de chœur de la cathédrale de Rouen (1517) . Mais d'autres cas devraient être cités comme celui de Gabriel Apolis, chantre à la cathédrale de Béziers qui a fait l'objet d'une tentative d'enlèvement à l'âge de 10 ans. Le chant sur le livre Le chant sur le livre semble être une spécificité française. Elle a revêtu une importance inégalée jusqu'à la Révolution à la fin du XVIIIe siècle. L'abbé Lebeuf, rédacteur ecclésiastique du Mercure de France, explique le procédé en ces termes : "Au moment qu'on commence à faire sonner une note du livre de plain-chant, un musicien qui sait les règles du chant sur le livre, c'est-à-dire qui sait faire des accords, tire du fonds de sa science un, deux, trois ou quatre sons concordants plus ou moins en nombre, suivant la teneur dont les notes du plain-chant sont battues et ainsi en contrepoint jusqu'au bout de la pièce notée en plain-chant. Comme les voix de taille et celles d'au-dessus sont les plus flexibles et les plus maniables, c'est à ces voix qu'on a réservé la pratique de ces accords, et les voix basses chantent seules les notes du livre de plain-chant dont toutes les notes doivent être également mesurées. On y fait abstraction des pauses que les points parsemés dans les discours sembleraient exiger… C'est une manière de débiter le chant qui le rend si uniformément mesuré qu'on peut dire aisément, combien de notes il faut pour remplir l'espace d'un quart d'heure ou d'une demi-heure en comptant celles d'une minute. Cette uniformité du temps pour chaque note du plain-chant qui sert de fondement aux accords, donne un mouvement qui ressemble aux battement réglés et constants que font certains ouvriers, c'est ce qui fait qu'alors on dit que c'est la note qu'on bat, d'où est venu le proverbe qu'un bon basse-contre doit savoir bien battre sa note. On lui donne aussi au chant sur le livre le nom de Fleuretis" . Il ne suscite plus guère d'intérêt chez nos musicologues à cause des témoignages peu flatteurs qui nous sont parvenus. L'abbé René Tiron, fin XVIIIe siècle, ne dit-il pas dans ses Souvenirs que le chant sur le livre est une coutume bien ridicule… Aucun musicien de nos jours [~1843], que je sache, n'a aucune idée de ce que veut dire chant sur le livre. C'était un chant improvisé et simultané que faisait chaque musicien, et dont la basse était le plain-chant que chantaient les basse[s]-contre soutenues par le serpent, d'après la mesure battue par le maître de musique. J'ai appris comme les autres ce chant sur le livre, mais les règles en étaient la plus sotte chose du monde. C'étaient les fausses relations qu'il fallait éviter ; le triton qui devait être préparé par la tierce ; la fausse quinte, qui le devait être par la sixte, et autres anomalies de ce genre. En vertu de ces précédentes règles, il pouvait arriver que, tandis qu'un musicien faisait une sixte majeure sur une note, un autre en fit une mineure en même temps. Les chants simultanés qui résultaient d'un tel état de choses formaient la plus horrible cacophonie que l'on pût imaginer. Et voilà cependant un usage qui subsistait dans toutes les églises de France où il y avait un corps de musique." Choron fait allusion dans son Dictionnaire des Musiciens, lui aussi, à cette sorte de chant ; il en fait un tableau assez caricatural : "On pratique en France dans les cathédrales un contrepoint qui se fait à première vue et qu'on appelle chant sur le livre. Pour en avoir une idée, figurez-vous quinze ou vingt chanteurs de toutes sortes de voix, depuis la basse jusqu'au soprano le plus élevé, criant à tue-tête, chacun selon son caprice, sans règle ni dessein et faisant entendre à la fois sur un plain-chant exécuté par des voix rauques tous les sons du système, tant naturels qu'altérés : vous commencerez à concevoir ce que peut être le contrepoint sur le plaint-chant, appelé en France chant sur le livre…" . Il s'agissait pour les chantres et les enfants de chœur d'appliquer en temps réel, comme on dirait aujourd'hui, les règles du contrepoint rigoureux, enseignement prévu dans les maîtrises, qu'Henry Madin essaya d'imposer à la Chapelle Royale en 1738. Toujours est-il, qu'à la cathédrale d'Angers, le Chapitre essaie par l'encouragement financier d'obtenir de ses chantres une coopération active pour chanter sur le livre : l'opposition des chantres et officiers se manifeste dès le 16ème siècle mais elle s'amplifie nettement au 17ème siècle et surtout au 18ème. Au 17ème, le Chapitre essaie de l'encouragement: il verse par faveur, 20 livres à un corbellier pour son assiduité à chanter la musique à l'aigle . Au début du 18ème siècle, une véritable crise menace, si l'on en juge par les ordres réitérés du Chapitre qui ne se soucie aucunement des réticences ou protestations des chantres. 8 Février 1738, les officiers et psalteurs chanteront sur le livre sous peine de mulete. On les avertit à nouveau d'avoir à chanter le chant sur le livre le 12 avril de la même année. Le 3 Août 1743, pour la troisième fois une monition est adressée aux officiers pour qu'ils aient à chanter sur le livre. Le 19 Août 1743, on affiche dans la sacristie que les officiers seront muletés toutes les fois qu'ils refuseront de chanter le chant sur le livre. Le 23 Décembre de la même année, l'Ami du Secrétaire consigne que des officiers continuent de refuser d'obéir. Cette fois, et nous sommes à la veille de Noël, la situation paraît bloquée, car, de son côté, le Chapitre refuse de verser aux officiers une part de leur traitement. L'évêque, Mgr de Vaugirauld, informé sans doute par son secrétaire, Denis Péan, un ancien maître de grammaire de la psallette, intervient alors personnellement auprès du Chapitre. Les bourses qui avaient été fermées aux officiers pour refus de chanter le chant sur le livre sont ouvertes à la sollicitude de M. de Vaugirauld, évêque, qui promit au Chapitre que les officiers chanteraient le chant sur le livre . La question ne sera pas cependant réglée si simplement. Dès le 8 Février 1744, Benesteau, sous-chantre, est cité au Chapitre pour refus de chanter sur le livre. Le 11 Février, le dit Benesteau se soumet aux ordres du Chapitre. Jusqu'à la veille de la révolution le Chapitre restera vigilant et ne démordra pas de ses exigences. Cette musique improvisée présentait-elle un grand intérêt ? D'aucuns blâment sa rudesse, d'autres louent sa spontanéité. Peut-être la qualité des voix y paraissait-elle davantage : l'improvisation permet, en effet, à un musicien de talent de mettre en valeur la qualité de son chant ou de son instrument et la qualité vocale des psalteurs peut difficilement être mise en doute. Mais ce n'est sûrement pas cette ostentation des chantres qui était souhaitée, elle aurait été en pleine contradiction avec les consignes générales données aux psalteurs et résumées dans le De recta Ratione psallendi de Jacques Eveillon, Le chant de l'église n'entend pas être une sorte de séduction des oreilles en vue d'une vaine délectation... On évitera de faire étalage de son art et de sa voix. C'était peut-être aussi un moyen de camoufler la médiocrité du plain-chant dès cette époque et d'introduire plus de variété dans l'expression de la prière. La pratique du chant sur le livre a-t-elle appliquée pour la lecture des Lamentations de Jérémie ? On n'en a pas trace dans les archives. Tout juste, signale-t-on dans l'ouvrage de Toussaint, l'apprentissage du fleuretis et du faux-bourdon d'après un programme détaillé établi en chapitre le 29 août 1646 à Coutances. Mais il ne semble pas que les leçons des ténèbres aient été visées. Une délibération du chapitre de Bayeux du 14 février 1669 nous apprend comment plain-chant et musique étaient exécutés les jours de fête : "il fut également décidé que, désormais, pour la plus grande gloire de Dieu et de son Église, aux fêtes de seconde classe, les musiciens chanteront les hymnes des Vêpres in cantu modulato qu'on appelle en français fleuries, tandis que le Magnificat sera chanté in bombo vulgairement appelé faux-bourdon. Le corps de musique Presque toujours, un corps de musiciens (habitués ) accompagne le chœur et les chants. Nous en avons une large connaissance, ne serait-ce que par les cantates de Johann Sebastian Bach, pour ne prendre qu'un exemple bien connu. On en trouve également une application également en Italie, en Espagne et aussi, bien entendu, en France. Le corps de musique comprenait deux types de musiciens, appelés quelquefois habitués ou gagistes : ceux qui étaient attachés en permanence pour soutenir le chœur, c'est le cas par exemple des organistes et des serpentistes (plus rarement d'autres instruments), et ceux qui intervenaient exceptionnellement pour les grandes fêtes (musici forastieri della musica straordinaria à Rome), les processions et les Te Deum. Il ne sera pas fait état des instruments utilisés car on les rencontre un peu tous à des degrés divers et suivant les régions : orgue, orgue portatif (dans le chœur ou au jubé), cornet, sacqueboute, serpent, viole, violon, violoncelle, fagon ou basson, etc., mais aussi cornemuse, ophicléide, clavecin, etc. Ces musiciens, nous les retrouvons assez souvent en chape. C'est ce que révèle Lecerf de Viéville dans un fragment d'une lettre qu'il adresse à Mr l'Abbé *** : il y avoit deux basses de Violon : mais quoi qu'elles servissent assez à la Musique, cela faisoit ce jour-là un effet qui me remit bien-tôt en pensée ce que j'ai tant lû des suites fâcheuses du relâchement. Tous les Musiciens étoient en Chappe, & un d'eux qui joüoit en cét état de la basse de Violon, choquoit plus, ce me semble, par l'indécence de son action, que tous les autres n'édifioient par la bienséance de leur parure. Ils doivent respecter le règlement du chapitre quand bien même leur activité n'est exercée que partiellement au sein de la cathédrale. C'est ainsi que le Chapitre d'Annecy deffend expressement la pratique des Cabarets sans la permission du Président de la Compagnie . Ce même Chapitre sanctionnait plus tard des musiciens qui s'émancipent à faire des actions indécentes en jouant du violon en des bals publics . Il leur demandait également qu'ils menassent une vie exemplaire, exempte de tout dérèglement, sans procès "criminel" avec les voisins, sans disputes et sans querelles graves avec leurs épouses : bref, un musicien de la cathédrale devait vivre en paix avec lui-même et son entourage… Ceux qui contrevenaient à ces règles de bienséance subissaient le châtiment en rapport avec leur faute . Beaucoup d'entre eux s'engagèrent dans les Gardes nationales lorsque leur gagne-pain fut supprimé en 1789. Ainsi, on faisait appel aux musiciens du théâtre ou d'une autre église épiscopale lorsque les circonstances l'exigeaient afin de donner plus d'éclat aux services solennels. ➨ [[Lamentations|<span style="color:#994C6A;">Retour au sommaire</span>]]
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