3. La polyphonie de la Renaissance
De Lamentations de Jérémie.
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- | + | C'est le début de l'âge d'or de la traduction musicale des Lamentations de Jérémie. La variété d'écriture est telle qu'il est pratiquement impossible d'en prendre une seule significative de l'époque. | |
- | C'est la raison pour laquelle il n'est risqué que sur un compositeur espagnol peu connu en France, [[Alberch Vila i Ferrament]], plus connu sous le nom de '''Pere Vila''' (Vich 1517 – Barcelone 1582). De plus, une seule lamentation nous est parvenue avec un ''Jerusalem'', ce qui permettra de se limiter à l'essentiel de l'analyse ([[Abréviations|E-Boc]], M.6, ff. 42v-43). | + | C'est la raison pour laquelle il n'est risqué que sur un compositeur espagnol peu connu en France, [[Alberch Vila i Ferrament]], plus connu sous le nom de '''Pere Vila''' (Vich 1517 – Barcelone 1582). De plus, une seule lamentation nous est parvenue avec un ''Jerusalem'', ce qui permettra de se limiter à l'essentiel de l'analyse ([[Abréviations|E-Boc]], M.6, ff. 42v-43).<sup>[[#23]]</sup> |
Pere Vila est compositeur et organiste, formé à la cathédrale de Vich sans doute par son oncle Pere Vila qui y était déjà chanoine et organiste. Á 19 ans, il est nommé organiste de la cathédrale de Barcelone, participe à la construction ou à la restauration des orgues en Catalogne, devient chanoine à 41 ans. | Pere Vila est compositeur et organiste, formé à la cathédrale de Vich sans doute par son oncle Pere Vila qui y était déjà chanoine et organiste. Á 19 ans, il est nommé organiste de la cathédrale de Barcelone, participe à la construction ou à la restauration des orgues en Catalogne, devient chanoine à 41 ans. | ||
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Ainsi, comme on peut s'apercevoir, il n'est pas toujours aisé de lire une partition du XVI<sup>e</sup> siècle. Heureusement, toutes ne sont pas dégradées comme dans cet exemple, mais hélas, d'autres problèmes surgissent comme les notes colorées, les notes ligaturées et surtout l'application des règles de solmisation. | Ainsi, comme on peut s'apercevoir, il n'est pas toujours aisé de lire une partition du XVI<sup>e</sup> siècle. Heureusement, toutes ne sont pas dégradées comme dans cet exemple, mais hélas, d'autres problèmes surgissent comme les notes colorées, les notes ligaturées et surtout l'application des règles de solmisation. | ||
- | [[Image:Analyse 052.jpg|left| | + | [[Image:Analyse 052.jpg|left|250px|]]Comme il n'est pas dans l'intention de traiter l'ensemble de la partition, on signale seulement la résolution de deux autres difficultés, toujours placées dans la voix de dessus, qui concerne, pour la 1<sup>ère</sup>, le début de la 4<sup>ème</sup> ligne, sur la fin du mot ''attendite''. Le guidon de la ligne précédente nous indique qu'il s'agit d'un ''mi'' et en l'absence apparente de hampe et de haste de part et d'autre du manque, on peut penser qu'une semi-brève est à retenir. Quant à la suite, le mode d'écriture serrée des minimes ou des semi-minimes jusqu'à la semi-brève (pointée !) ''sol'', les notes ligaturées ''cum opposita proprietate'' ''sol-la'' (la 2<sup>ème</sup> est peut-être colorée !) ainsi qu'une présence d'une semi-cadence sur ''videte'' à proximité (''sol-fa-sol'') facilitent le travail de reconstitution pour peu que les autres voix s'accordent bien avec le dessus. Et c'est le cas avec un accord ''mi-sol-si''. Ainsi, on peut déduire que les quatre notes ''do-ré-mi-fa'' sont des semi-minimes et les notes ligaturées ''sol-la'' ne sont pas colorées, il s'agit de deux semi-brèves, la 2<sup>nde</sup> étant pointée. |
La 2<sup>nde</sup> difficulté concerne le début du ''Jérusalem''. Quelques notes manquent encore. Le guidon de la ligne précédente nous donne encore une indication : il s'agit très certainement d'un ''la'', mais est-ce une brève, une semi-brève, des notes ligaturées ! | La 2<sup>nde</sup> difficulté concerne le début du ''Jérusalem''. Quelques notes manquent encore. Le guidon de la ligne précédente nous donne encore une indication : il s'agit très certainement d'un ''la'', mais est-ce une brève, une semi-brève, des notes ligaturées ! | ||
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Le fac-similé, nettoyé de ses scories et autres accidents, donne le résultat suivant : voir I et J. | Le fac-similé, nettoyé de ses scories et autres accidents, donne le résultat suivant : voir I et J. | ||
- | + | [[Image:Analyse 054.jpg|left|250px|]]Il reste à placer le texte car, comme on peut le voir, celui-ci est écrit indépendamment des notes avec des signes d'abréviation ou de répétition. Le début de ''l'O vos omnes'' du ténor est assez significatif à ce sujet (voir M) : le "O" est décalé par rapport à sa note, le ''la'' ; notez le ''omes'' pour omnes avec un "~" noté au-dessus dudit mot (symbole d'abréviation), idem pour le "~" du ''transitis'' qui s'inscrit par un trait surligné, le ''per'' transformé en ''p'' barré et le "''m''" de ''viam'' traité comme précédemment par un "~". Plus haut, on notera le "m" du ''Hierusalem'' traité en forme de "''z''" et qui équivaut à un "m" verticalisé. Après ''viam'', suit le signe •//• indiquant une répétition des paroles et c'est au chanteur de placer le texte à répéter en fonction du nombre de notes dont il dispose (ici il ne faut répéter que ''per viam''). Il faut croire que les chantres étaient suffisamment entraînés à l'époque pour interpréter l'intention du compositeur à la simple vue de la partition ; c'était aussi cela "chanter sur le livre". Le travail de reconstitution doit donc s'achever sur un placement judicieux des paroles qui doit répondre à des règles précises dont notamment la correspondance entre les syllabes fortes latines et les notes longues, la musique respectant dans l'ensemble la ponctuation du texte (il peut y avoir des exceptions), et le placement des mélismes sur les syllabes fortes, la dernière syllabe la plus faible recevant des notes plus "courtes". Donc, avant de placer les paroles, il faut repérer les accents et la ponctuation qui semble être la suivante : | |
- | Il reste à placer le texte car, comme on peut le voir, celui-ci est écrit indépendamment des notes avec des signes d'abréviation ou de répétition. Le début de l'O vos omnes du ténor est assez significatif à ce sujet (voir M) : le "O" est décalé par rapport à sa note, le la ; notez le omes pour omnes avec un " | + | |
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+ | O vos <u>'''om'''</u>nes, qui tran<u>'''sí'''</u>tis per <u>'''vi'''</u>am, at<u>'''tén'''</u>dite, & vi<u>'''dé'''</u>te si est <u>'''do'''</u>lor <u>'''si'''</u>cut <u>'''do'''</u>lor <u>'''me'''</u>us : <u>'''quó'''</u>niam vindemi<u>'''á'''</u>vit me, ut lo<u>'''cú'''</u>tus est <u>'''Dó'''</u>minus in <u>'''di'''</u>e <u>'''i'''</u>ræ fu<u>'''ró'''</u>ris <u>'''su'''</u>i . | ||
+ | [[Image:Analyse 055.jpg|center|1000px|]] | ||
+ | <center>I. Pere Vila, ''Lamech'' restauré, ([[Abréviations|E-Boc]], M.6, f. 42v et 43)</center> | ||
+ | [[Image:Analyse 056.jpg|center|1000px|]] | ||
+ | <center>L. Vila. ''O vos omnes'' et ''Hierusalem'' a 3</center> | ||
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+ | La partition diplomatique, ainsi reconstituée, permet de découvrir un ''Lamed'' chantant (quoique !) et un ''Hierusalem'' conclusif qui semblent être, en qualité musicale, en deçà de la réputation de son auteur (voir K et L). En effet, on trouve ici ou là des quintes et octaves parallèles, décalées ou non : sur ''Lamed'', 2<sup>ème</sup> mesure, entre dessus et ténor, octaves parallèles décalées ''la-do'' ; sur ''Lamed'', 12<sup>ème</sup> mesure, entre dessus et alto, ''fa-mi'' ; sur ''O vos omnes'', 7<sup>ème</sup> et 8<sup>ème</sup> mesures, entre alto et ténor, quintes parallèles décalées ''si-do-si'' et ''mi-fa-mi'' ; etc. Il est vrai qu'au XVI<sup>e</sup> siècle, on était moins regardant. | ||
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+ | :<span style="color:#808080;"><span id="23">'''23'''. ''Je remercie '''Jean-Paul Boury''' du Conservatoire de musique ancienne de Tours, de l'aide qu'il m'a apportée pour la résolution des difficultés rencontrées.''</span> |