L'extinction des cierges
De Lamentations de Jérémie.
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Selon le bréviaire de la Société des Libraires, ''l'extinction des Cierges nous represente les ténébres qui couvrirent la Terre, lorsque le Fils de Dieu rendit l'esprit, & ces ténébres, dit Saint Leon, reprochoient aux Juifs l'aveuglement de leur cœur, qui les portoit à faire mourir celui qu'ils devoient reconnoïtre pour leur Sauveur, après tant de miracles dont ils avoient été les témoins. Le Cierge allumé que l'on cache sous l'Autel, veut nous figurer Jesus-Christ même, qui étant mort & enseveli, vivoit encore d'une vie cachée aux hommes, parce que la mort naturelle & veritable qui avoit separé son Ame de son Corps, n'avoit pü separer la Divinité du Corps ni de l'Ame : ainsi ce Corps tout privé qu'il étoit de la vie naturelle, vivoit en quelque maniere d'une vie divine, & reprit peu de tems après la vie qu'il avoit perduë, ce qui peut être marqué par ce même Cierge que l'on tire allumé de dessous l'Autel.''<sup>[[#62]]</sup> | Selon le bréviaire de la Société des Libraires, ''l'extinction des Cierges nous represente les ténébres qui couvrirent la Terre, lorsque le Fils de Dieu rendit l'esprit, & ces ténébres, dit Saint Leon, reprochoient aux Juifs l'aveuglement de leur cœur, qui les portoit à faire mourir celui qu'ils devoient reconnoïtre pour leur Sauveur, après tant de miracles dont ils avoient été les témoins. Le Cierge allumé que l'on cache sous l'Autel, veut nous figurer Jesus-Christ même, qui étant mort & enseveli, vivoit encore d'une vie cachée aux hommes, parce que la mort naturelle & veritable qui avoit separé son Ame de son Corps, n'avoit pü separer la Divinité du Corps ni de l'Ame : ainsi ce Corps tout privé qu'il étoit de la vie naturelle, vivoit en quelque maniere d'une vie divine, & reprit peu de tems après la vie qu'il avoit perduë, ce qui peut être marqué par ce même Cierge que l'on tire allumé de dessous l'Autel.''<sup>[[#62]]</sup> | ||
- | Pour Ludovic Celler, ''les ténèbres ont leur origine dans les adorations secrètes et poursuivies des premiers chrétiens ; les cierges qui figurent dans ces cérémonies ont plusieurs significations ; ils rappellent les lumières allumées dans les catacombes par les fidèles persécutés, et personnifient par leur nombre Jésus-Christ d'abord, puis les apôtres et trois Maries. Le cierge qui personnifie le Christ est en cire blanche ; on le place en haut du candélabre triangulaire qui porte les lumières ; les quatorze autres cierges sont en cire jaune ; on les éteint successivement pendant l'exécution des ténèbres, et cette extinction successive peut rappeler la fuite des apôtres et l'abandon de plus en plus grand de Jésus-Christ pendant sa passion. '' Il précise dans un autre ouvrage que ''l'ordre triangulaire du chandelier est un souvenir de l'ancien chandelier à vingt-quatre branches qui brûlait dans les églises primitives, et que l'on éteignait cierge après cierge, à mesure que les vingt-quatre heures du jour s'écoulaient.'' | + | Pour Ludovic Celler, ''les ténèbres ont leur origine dans les adorations secrètes et poursuivies des premiers chrétiens ; les cierges qui figurent dans ces cérémonies ont plusieurs significations ; ils rappellent les lumières allumées dans les catacombes par les fidèles persécutés, et personnifient par leur nombre Jésus-Christ d'abord, puis les apôtres et trois Maries. Le cierge qui personnifie le Christ est en cire blanche ; on le place en haut du candélabre triangulaire qui porte les lumières ; les quatorze autres cierges sont en cire jaune ; on les éteint successivement pendant l'exécution des ténèbres, et cette extinction successive peut rappeler la fuite des apôtres et l'abandon de plus en plus grand de Jésus-Christ pendant sa passion.''<sup>[[#63]]</sup> Il précise dans un autre ouvrage que ''l'ordre triangulaire du chandelier est un souvenir de l'ancien chandelier à vingt-quatre branches qui brûlait dans les églises primitives, et que l'on éteignait cierge après cierge, à mesure que les vingt-quatre heures du jour s'écoulaient.''<sup>[[#64]]</sup> |
- | Paul Renouard (1891) rapporte de son voyage à Rome que ''les liturgistes'' [lesquels ?] ''donnaient de cette cérémonie une explication spécieuse : Lorsque le maître des cérémonies pose le cierge sur l'autel, c'est Jésus sur le calvaire. Lorsqu'il le cache derrière l'autel, c'est la sépulture.'' | + | Paul Renouard (1891) rapporte de son voyage à Rome que ''les liturgistes'' [lesquels ?] ''donnaient de cette cérémonie une explication spécieuse : Lorsque le maître des cérémonies pose le cierge sur l'autel, c'est Jésus sur le calvaire. Lorsqu'il le cache derrière l'autel, c'est la sépulture.''<sup>[[#65]]</sup> |
- | Le R. P. Dom Prosper Guéranger explique dans son ouvrage concernant ''L'Année liturgique, la Passion et la Semaine Sainte , ''que le'' Fils de Dieu est éclipsée sous les ignominies de sa Passion. Il était "la lumière du monde", puissant en œuvres et en paroles, accueilli naguère par les acclamations de tout un peuple ; maintenant le voilà déchu de toutes ses grandeurs…Chacun s'éloigne de lui : Pierre même nie l'avoir connu. Cet abandon, cette défection presque générale sont figurés par l'extinction successive des cierges sur le chandelier triangulaire, même jusque sur l'autel. Cependant la lumière méconnue de notre Christ n'est pas éteinte, quoiqu'elle ne lance plus ses feux, et que les ombres se soient épaissies autour d'elle. On pose un moment le cierge mystérieux sur l'autel. Il est là comme le Rédempteur sur le Calvaire, où il souffre et meurt. Pour exprimer la sépulture de Jésus, on cache le cierge derrière l'autel ; sa lumière ne paraît plus. Alors un bruit confus se fait entendre dans le sanctuaire, que l'absence de ce dernier flambeau a plongé dans l'obscurité. Ce bruit, joint aux ténèbres, exprime les convulsions de la nature, au moment où le Sauveur ayant expiré sur la croix, la terre trembla, les rochers se fendirent, les sépulcres furent ouverts. Mais tout à coup le cierge reparaît sans avoir rien perdu de sa lumière ; le bruit, cesse, et chacun rend hommage au vainqueur de la mort.'' | + | Le R. P. Dom Prosper Guéranger explique dans son ouvrage concernant ''L'Année liturgique, la Passion et la Semaine Sainte,''<sup>[[#66]]</sup> que le'' Fils de Dieu est éclipsée sous les ignominies de sa Passion. Il était "la lumière du monde", puissant en œuvres et en paroles, accueilli naguère par les acclamations de tout un peuple ; maintenant le voilà déchu de toutes ses grandeurs…Chacun s'éloigne de lui : Pierre même nie l'avoir connu. Cet abandon, cette défection presque générale sont figurés par l'extinction successive des cierges sur le chandelier triangulaire, même jusque sur l'autel. Cependant la lumière méconnue de notre Christ n'est pas éteinte, quoiqu'elle ne lance plus ses feux, et que les ombres se soient épaissies autour d'elle. On pose un moment le cierge mystérieux sur l'autel. Il est là comme le Rédempteur sur le Calvaire, où il souffre et meurt. Pour exprimer la sépulture de Jésus, on cache le cierge derrière l'autel ; sa lumière ne paraît plus. Alors un bruit confus se fait entendre dans le sanctuaire, que l'absence de ce dernier flambeau a plongé dans l'obscurité. Ce bruit, joint aux ténèbres, exprime les convulsions de la nature, au moment où le Sauveur ayant expiré sur la croix, la terre trembla, les rochers se fendirent, les sépulcres furent ouverts. Mais tout à coup le cierge reparaît sans avoir rien perdu de sa lumière ; le bruit, cesse, et chacun rend hommage au vainqueur de la mort.'' |
En Corse, les membres de cinq confréries de Bonifacio (Sainte-Croix, Saint Jean-Baptiste, Saint Barthélémy, Sainte Marie-Madeleine et Saint Erasme) sont assis dans les stalles derrière le maître autel et chantent l'Office des Ténèbres : chaque leçon est chantée par un seul confrère à la fois et est suivie des psaumes récités en commun. A la fin de chaque leçon, le confrère interprète se lève, se dirige vers le chandelier et éteint le cierge le plus bas, de la gauche vers la droite. | En Corse, les membres de cinq confréries de Bonifacio (Sainte-Croix, Saint Jean-Baptiste, Saint Barthélémy, Sainte Marie-Madeleine et Saint Erasme) sont assis dans les stalles derrière le maître autel et chantent l'Office des Ténèbres : chaque leçon est chantée par un seul confrère à la fois et est suivie des psaumes récités en commun. A la fin de chaque leçon, le confrère interprète se lève, se dirige vers le chandelier et éteint le cierge le plus bas, de la gauche vers la droite. | ||
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Ce dernier cierge faisait dire aux anciens Corses que lorsque le Christ est mort dans les âmes, le monde est plongé dans les ténèbres : ''Spenti i lumi, mortu u Cristu''. | Ce dernier cierge faisait dire aux anciens Corses que lorsque le Christ est mort dans les âmes, le monde est plongé dans les ténèbres : ''Spenti i lumi, mortu u Cristu''. | ||
- | Le rite de l'extinction des cierges a fait l'objet d'un long et vaste débat sur l'origine de la pratique et son application dans l'Église. On peut peut-être se risquer de se rapprocher des vues de M. Grancolas : a-t-on rendu énigmatique quelque chose d'ordinaire et sans dessein ! En tout cas, c'est ce qu'un des rédacteurs de ''La Semaine Sainte à Rome '' élude tout simplement en indiquant qu' ''on a voulu donner de cet usage une série d'explications mystiques sans aucune valeur historique. A Rome on ne connaissait pas encore cet usage au IX<sup>e</sup> siècle, il provient des rites de l'Eglise franque ou gallicane. Dans les basiliques romaines on allumait pour l'office nocturne le nombre de phares ou lampes nécessaire pour éclairer l'assistance et spécialement les lecteurs. On les éteignait peu à peu à mesure que le jour pénétrait dans la basilique.'' | + | Le rite de l'extinction des cierges a fait l'objet d'un long et vaste débat sur l'origine de la pratique et son application dans l'Église. On peut peut-être se risquer de se rapprocher des vues de M. Grancolas : a-t-on rendu énigmatique quelque chose d'ordinaire et sans dessein ! En tout cas, c'est ce qu'un des rédacteurs de ''La Semaine Sainte à Rome''<sup>[[#67]]</sup> élude tout simplement en indiquant qu' ''on a voulu donner de cet usage une série d'explications mystiques sans aucune valeur historique. A Rome on ne connaissait pas encore cet usage au IX<sup>e</sup> siècle, il provient des rites de l'Eglise franque ou gallicane. Dans les basiliques romaines on allumait pour l'office nocturne le nombre de phares ou lampes nécessaire pour éclairer l'assistance et spécialement les lecteurs. On les éteignait peu à peu à mesure que le jour pénétrait dans la basilique.'' |
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