Les acteurs
De Lamentations de Jérémie.
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et Gantez dans la lettre IX à un confrère : ''Tachez de ne pas acquérir la réputation que beaucoup de chantres ont d'être sujet au vin, car encores qu'on die que tous les Musiciens sont des yvrongnes, sçachez aussi que tous les yvrongnes ne sont pas musiciens''. | et Gantez dans la lettre IX à un confrère : ''Tachez de ne pas acquérir la réputation que beaucoup de chantres ont d'être sujet au vin, car encores qu'on die que tous les Musiciens sont des yvrongnes, sçachez aussi que tous les yvrongnes ne sont pas musiciens''. | ||
- | Son ouvrage est farci de citations et de constatations relevées sur le terrain de l'expérience. Ainsi, on trouve indifféremment : on disoit que bon médecin & bon theologien ne furent jamais bons chrétiens, maintenant on y adjouste les Musiciens, car par ma foy ils sont bien dévôts, mais on peut dire que c'est envers les pots, & qu'il sont plus zelez pour la dame que pour le Seigneur (Lettre XIII), à bouche fermé n'y entra jamais mouche & les Chantres ne la devroient jamais ouvrir que pour boire […] l'instrument de la langue est glissant, & apporte grand danger à ceux qui le meprisent, or les Musiciens l'ayant plus humide à cause de la boisson, l'ont plus glissante, & par conséquent plus dangereuse, c'est pourquoy la doyent plus retenir (Lettre XV), la difference qu'il y a entre un Chantre & un Jardin, c'est que pour arrouser un Jardin il faut de l'eau, mais pour un Chantre il est requis d'avoir du vin (Lettre XIX), et puis cet Air qu'il a fait sur le subjet : | + | Son ouvrage est ''farci'' de citations et de constatations relevées sur le terrain de l'expérience. Ainsi, on trouve indifféremment : ''on disoit que bon médecin & bon theologien ne furent jamais bons chrétiens, maintenant on y adjouste les Musiciens, car par ma foy ils sont bien dévôts, mais on peut dire que c'est envers les pots, & qu'il sont plus zelez pour la dame que pour le Seigneur'' (Lettre XIII), ''à bouche fermé n'y entra jamais mouche & les Chantres ne la devroient jamais ouvrir que pour boire'' […] ''l'instrument de la langue est glissant, & apporte grand danger à ceux qui le meprisent, or les Musiciens l'ayant plus humide à cause de la boisson, l'ont plus glissante, & par conséquent plus dangereuse, c'est pourquoy la doyent plus retenir'' (Lettre XV), ''la difference qu'il y a entre un Chantre & un Jardin, c'est que pour arrouser un Jardin il faut de l'eau, mais pour un Chantre il est requis d'avoir du vin'' (Lettre XIX), et puis cet Air qu'il a fait sur le subjet : |
- | + | :::''Mon premier dessein est d'abord que je m'esveille'' | |
- | + | :::::''De crier à Catin'' | |
- | + | :::''De m'apporter du vin une pleine bouteille'' | |
- | + | :::::''Pour boire le matin''. | |
- | + | :::''Il ne m'arrive pas de sortir de ma couche'' | |
- | + | :::''Que dix verres de vin n'ayent lavé ma bouche''. (Lettre XIX) | |
- | Cette réputation pittoresque était acquise depuis des lustres puisque le pape Grégoire, au synode romain de 595, relève l'absence de conciliation de la compétence technique avec la dignité apostolique. C'est la raison pour laquelle il décida de confier la fonction de chantre aux sous-diacres ou même [...] aux clercs inférieurs : voici longtemps qu'est apparue la coutume fort répréhensible de choisir certains clercs comme chantres au service du saint autel et de leur conférer le diaconat pour consacrer à l'art du chant ceux qu'il serait convenable d'appeler aux fonctions de la prédication et au soin des aumônes. De ce fait, il arrive qu'en recherchant de belles voix pour le service divin, on ne pense pas à rechercher des hommes dont la conduite soit bonne; il arrive que le chantre au service de l'autel irrite Dieu par sa manière de vivre, pendant qu'il charme le peuple par ses chants . | + | |
- | Cette image du chantre que nous conservons au travers des dictionnaires et des registres capitulaires laisse un petit goût amer de dégénérescence. A noter que le terme chantre a disparu des dictionnaires peu avant la Révolution française, le dictionnaire de Féraud ne le mentionnant qu'à Chantrerie. | + | Cette réputation pittoresque était acquise depuis des lustres puisque le pape Grégoire, au synode romain de 595, relève l'absence de conciliation de la compétence technique avec la dignité apostolique. C'est la raison pour laquelle il décida de confier la fonction de chantre ''aux sous-diacres ou même'' [...] ''aux clercs inférieurs : voici longtemps qu'est apparue la coutume fort répréhensible de choisir certains clercs comme chantres au service du saint autel et de leur conférer le diaconat pour consacrer à l'art du chant ceux qu'il serait convenable d'appeler aux fonctions de la prédication et au soin des aumônes. De ce fait, il arrive qu'en recherchant de belles voix pour le service divin, on ne pense pas à rechercher des hommes dont la conduite soit bonne; il arrive que le chantre au service de l'autel irrite Dieu par sa manière de vivre, pendant qu'il charme le peuple par ses chants'' . |
- | Il faut dire que la vie claustrale, imposée à ces clercs, qui n'avaient le plus souvent aucune vocation religieuse et avaient été choisis au hasard des villes et des campagnes avoisinantes pour la seule excellence de leur voix, explique assez bien ces attitudes . Ceci explique sans aucun doute cela. | + | |
- | Ceci se confirme par la bouche de François Rabelais qui a, comme chacun le sait, le verbe assez haut à une époque où le françois s'écrivait comme on l'entendait : En l'abbaye estoyt pour lors un moyne claustrier nommé frère Iean des Entommeures, ieune, guallant, frisque, dehayt, bien à dextre, hardy, adventureux deliberé, hault, maigre, bien fendu de gueule, bien advantagé en nez, beau despescheur d'heures beau debrideur de messes, pour tout dire, un vray moyne si oncques en feut depuys que le monde moyna. Icelluy entendent le bruyt que faisoyent les ennemys par le clos de leur vigne, sortit hors pour veoir ce qu'ilz faisoient. Et advisant qu'ilz vendangeoient leurs clous, on quel estoyt leur boyte de tout l'an fondée, s'en retourne au cueur de l'eglise ou estoient les aultres moynes tous estonnez comme fondeurs de cloches, lesquelz voyant chanter. | + | Cette image du chantre que nous conservons au travers des dictionnaires et des registres capitulaires laisse un petit goût amer de dégénérescence. A noter que le terme ''chantre'' a disparu des dictionnaires peu avant la Révolution française, le dictionnaire de Féraud ne le mentionnant qu'à ''Chantrerie''. |
- | Im. im: im/pe/e/e/e/e/tum/um/in/i/ni/i/mi/co/o/o/o/o/rum/um/ | + | |
- | C'est, dist il, bien chien chanté. | + | ''Il faut dire que la vie claustrale, imposée à ces clercs, qui n'avaient le plus souvent aucune vocation religieuse et avaient été choisis au hasard des villes et des campagnes avoisinantes pour la seule excellence de leur voix, explique assez bien ces attitudes'' . Ceci explique sans aucun doute cela. |
- | Le rôle de chantre ou de préchantre, devenu à peu près honorifique, s'est réduit progressivement pour ne consister qu'à indiquer ce qui devait être chanté, à entonner certaines pièces, à annoncer au célébrant, aux dignités ou aux chanoines, celles qu'ils devaient entonner. Ce rôle a existé au moins jusqu'à la fin du XXe siècle. Le chantre tenait lors des fêtes doubles, ou grands doubles, des bâtons d'argent terminés en forme de tau . | + | |
- | A Amiens, au | + | Ceci se confirme par la bouche de François Rabelais qui a, comme chacun le sait, le verbe assez haut à une époque où le françois s'écrivait comme on l'entendait : ''En l'abbaye estoyt pour lors un moyne claustrier nommé frère Iean des Entommeures, ieune, guallant, frisque, dehayt, bien à dextre, hardy, adventureux deliberé, hault, maigre, bien fendu de gueule, bien advantagé en nez, beau despescheur d'heures beau debrideur de messes, pour tout dire, un vray moyne si oncques en feut depuys que le monde moyna. Icelluy entendent le bruyt que faisoyent les ennemys par le clos de leur vigne, sortit hors pour veoir ce qu'ilz faisoient. Et advisant qu'ilz vendangeoient leurs clous, on quel estoyt leur boyte de tout l'an fondée, s'en retourne au cueur de l'eglise ou estoient les aultres moynes tous estonnez comme fondeurs de cloches, lesquelz voyant chanter''. |
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+ | <center>Im. im: im/pe/e/e/e/e/tum/um/in/i/ni/i/mi/co/o/o/o/o/rum/um/</center> | ||
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+ | ''C'est, dist il, bien chien chanté.'' | ||
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+ | Le rôle de chantre ou de préchantre, devenu à peu près honorifique, s'est réduit progressivement pour ne consister qu'à indiquer ce qui devait être chanté, à entonner certaines pièces, à annoncer au célébrant, aux dignités ou aux chanoines, celles qu'ils devaient entonner. Ce rôle a existé au moins jusqu'à la fin du XXe siècle. Le chantre tenait lors des fêtes doubles, ou grands doubles, ''des bâtons d'argent terminés en forme de tau'' . | ||
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+ | A Amiens, au XIII<sup>e</sup> siècle, le gouvernement des enfants de chœur, qui était attribué au Préchantre et au Chantre, était déchargé sur des ''procuratores'' . | ||
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+ | == Le maître des enfants == | ||
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Initialement, la charge des enfants incombaient au maître de grammaire (magister puerorum, instructor, gubernator, administrator puerorum) mais au XVe siècle, la direction a été attribuée progressivement et presque naturellement au maître de musique qui assurait également le rôle de Maître de pension . | Initialement, la charge des enfants incombaient au maître de grammaire (magister puerorum, instructor, gubernator, administrator puerorum) mais au XVe siècle, la direction a été attribuée progressivement et presque naturellement au maître de musique qui assurait également le rôle de Maître de pension . | ||
Le maître sera nori, couché, blanchi de linge de lict et de table ; boira demy-setier de vin gascon ou anjou à desjuner, chopine à disner et aultant à soupper… Il doit enseigner aux enfants le contre point et leur apprendre à chanter sur le livre . Par un contrat (pris à titre d'exemple sans préjugé des autres qui peuvent être très disparates) passé en 1742 entre le Chapitre et le Sr Julien, maître de musique, ce dernier s'engage et s'oblige d'apprendre aux Enfants la Musique, la Composition, à Joüer des Instruments, les Cerimonies de l'Eglise, Et de Leur faire preuoir Ce qu'ils doiuent faire et Chanter, leur donnant au moins deux heures de Leçons par Jour, Luy present . | Le maître sera nori, couché, blanchi de linge de lict et de table ; boira demy-setier de vin gascon ou anjou à desjuner, chopine à disner et aultant à soupper… Il doit enseigner aux enfants le contre point et leur apprendre à chanter sur le livre . Par un contrat (pris à titre d'exemple sans préjugé des autres qui peuvent être très disparates) passé en 1742 entre le Chapitre et le Sr Julien, maître de musique, ce dernier s'engage et s'oblige d'apprendre aux Enfants la Musique, la Composition, à Joüer des Instruments, les Cerimonies de l'Eglise, Et de Leur faire preuoir Ce qu'ils doiuent faire et Chanter, leur donnant au moins deux heures de Leçons par Jour, Luy present . |