3. La polyphonie de la Renaissance
De Lamentations de Jérémie.
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Le ''Lamed'' ainsi recomposé permet d'obtenir la partition F. | Le ''Lamed'' ainsi recomposé permet d'obtenir la partition F. | ||
+ | [[Image:Analyse 051.jpg|center|600px|]] | ||
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+ | Ainsi, comme on peut s'apercevoir, il n'est pas toujours aisé de lire une partition du XVI<sup>e</sup> siècle. Heureusement, toutes ne sont pas dégradées comme dans cet exemple, mais hélas, d'autres problèmes surgissent comme les notes colorées, les notes ligaturées et surtout l'application des règles de solmisation. | ||
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+ | [[Image:Analyse 051.jpg|left|150px|]]Comme il n'est pas dans l'intention de traiter l'ensemble de la partition, on signale seulement la résolution de deux autres difficultés, toujours placées dans la voix de dessus, qui concerne, pour la 1<sup>ère</sup>, le début de la 4<sup>ème</sup> ligne, sur la fin du mot ''attendite''. Le guidon de la ligne précédente nous indique qu'il s'agit d'un ''mi'' et en l'absence apparente de hampe et de haste de part et d'autre du manque, on peut penser qu'une semi-brève est à retenir. Quant à la suite, le mode d'écriture serrée des minimes ou des semi-minimes jusqu'à la semi-brève (pointée !) ''sol'', les notes ligaturées ''cum opposita proprietate'' ''sol-la'' (la 2<sup>ème</sup> est peut-être colorée !) ainsi qu'une présence d'une semi-cadence sur ''videte'' à proximité (''sol-fa-sol'') facilitent le travail de reconstitution pour peu que les autres voix s'accordent bien avec le dessus. Et c'est le cas avec un accord ''mi-sol-si''. Ainsi, on peut déduire que les quatre notes ''do-ré-mi-fa'' sont des semi-minimes et les notes ligaturées ''sol-la'' ne sont pas colorées, il s'agit de deux semi-brèves, la 2<sup>nde</sup> étant pointée. | ||
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+ | La 2<sup>nde</sup> difficulté concerne le début du ''Jérusalem''. Quelques notes manquent encore. Le guidon de la ligne précédente nous donne encore une indication : il s'agit très certainement d'un ''la'', mais est-ce une brève, une semi-brève, des notes ligaturées ! | ||
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+ | [[Image:Analyse 051.jpg|right|150px|]]Ici encore, il s'agit de repérer des semi-cadences. Il y en a deux qui se suivent (sol# fa# sol#) et sans doute que la 2ème est une imitation de la 1ère. Donc basons-nous sur la 2nde et recherchons un accord incorporant un la : ré-fa-la, fa-la-do ou la-do-mi. A peu de distance, on peut repérer à l'alto et au ténor une minime pointée do à l'octave. Prenons ces notes pour base et remontons en arrière les notes. L'hypothèse s'avère encore une fois vérifiée. On en déduit que la 1ère note manquante est une semi-brève pointée, la 2nde et la 3ème des minimes. | ||
+ | Ainsi, c'est par approches successives que l'on arrive à remettre en place la partition. Des erreurs de copie du compositeur ou du copiste sont établies ; il ne faut donc pas prendre pour argent comptant ce qui est écrit. | ||
+ | Le fac-similé, nettoyé de ses scories et autres accidents, donne le résultat suivant : voir I et J. | ||
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+ | M. Vila, O vos omnes (ténor) | ||
+ | Il reste à placer le texte car, comme on peut le voir, celui-ci est écrit indépendamment des notes avec des signes d'abréviation ou de répétition. Le début de l'O vos omnes du ténor est assez significatif à ce sujet (voir M) : le "O" est décalé par rapport à sa note, le la ; notez le omes pour omnes avec un "n" noté au-dessus de me, idem pour le "n" du transitis qui s'inscrit par un trait surligné, le per transformé en p barré et le "m" de viam traité comme précédemment pour le "n". Plus haut, on notera le "m" du Hierusalem traité en forme de "z" et qui équivaut à un "m" verticalisé. Après viam, suit le signe •//• indiquant une répétition des paroles et c'est au chanteur d'imaginer le texte à répéter en fonction du nombre de notes dont il dispose (ici il ne faut répéter que per viam). Il faut croire que les chantres étaient suffisamment entraînés à l'époque pour interpréter l'intention du compositeur à la simple vue de la partition ; c'était cela "chanter sur le livre". Le travail de reconstitution doit donc s'achever sur un placement judicieux des paroles qui doit répondre à des règles précises dont notamment la correspondance entre les syllabes fortes latines et les notes longues, la musique respectant dans l'ensemble la ponctuation du texte (il peut y avoir des exceptions), et le placement des mélismes sur les syllabes fortes, la dernière syllabe la plus faible recevant des notes plus "courtes". Donc, avant de placer les paroles, il faut repérer les accents et la ponctuation qui semble être la suivante : | ||
+ | O vos omnes, qui transítis per viam, atténdite, & vidéte si est dolor sicut dolor meus : quóniam vindemiávit me, ut locútus est Dóminus in die iræ furóris sui . | ||
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