Les Offices des Ténèbres après la grande époque

De Lamentations de Jérémie.

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L ne faut pas s'étonner si la musique régresse quant à la qualité à partir de la deuxième partie du XVIII<sup>e</sup> siècle. Légèreté puis révolution des mœurs, déchristianisation, décadence artistique, c'est peut-être tout cela à la fois. Mais la raison se trouve sans doute ailleurs. Le grand motet serait l'une des raisons à l'origine de cette évolution française. Lully, Charpentier, De Lalande, Rameau ont préféré les prières para-liturgiques à celles du Saint-Sacrifice. Ne serait-ce pas là la véritable raison que les Concerts spirituels ont fini de consacrer en détachant la musique religieuse des lieux où habituellement elle est chantée ?
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Il ne faut pas s'étonner si la musique régresse quant à la qualité à partir de la deuxième partie du XVIII<sup>e</sup> siècle. Légèreté puis révolution des mœurs, déchristianisation, décadence artistique, c'est peut-être tout cela à la fois. Mais la raison se trouve sans doute ailleurs. Le grand motet serait l'une des raisons à l'origine de cette évolution française. Lully, Charpentier, De Lalande, Rameau ont préféré les prières para-liturgiques à celles du Saint-Sacrifice. Ne serait-ce pas là la véritable raison que les Concerts spirituels ont fini de consacrer en détachant la musique religieuse des lieux où habituellement elle est chantée ?
Et puis survient la Révolution et sa période de Terreur.  
Et puis survient la Révolution et sa période de Terreur.  
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Dans ce nouveau climat, les reconstitutions délicates du XIX<sup>e</sup> siècle des activités capitulaires réactivent petit à petit les psallettes mais sans parvenir à l'aura pré-révolutionnaire. Cette fois-ci très librement, les compositeurs se remettent à écrire mais ils ne sont plus à la charge des Chapitres.
Dans ce nouveau climat, les reconstitutions délicates du XIX<sup>e</sup> siècle des activités capitulaires réactivent petit à petit les psallettes mais sans parvenir à l'aura pré-révolutionnaire. Cette fois-ci très librement, les compositeurs se remettent à écrire mais ils ne sont plus à la charge des Chapitres.
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Pierre Voillemont (1750-1814), maître de musique de la psallette de la collégiale Saint-Etienne à Troyes en 1771, puis de celle de la cathédrale d'Angers en 1776, prête le serment civique exigé du clergé et entend ''témoigner à ses concitoyens combien la gloire de la République le touche et l'anime''<sup>[[#1]]</sup>, devient secrétaire du District d'Angers en 1795, citoyen actif, se marie, etc. Il dirige en 1807 pour le 15 août, jour de la saint Napoléon, à la cathédrale un Te Deum et deux motets (F-RS) à grand orchestre dont les textes pour l'un des motets, bien que latins et tirés des livres de l'Ecriture mais pas particulièrement adressés à la gloire de Marie , laisse songeur. En voici un extrait tiré du livre de Jérémie (Ch. 3) :
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Pierre Voillemont (1750-1814), maître de musique de la psallette de la collégiale Saint-Etienne à Troyes en 1771, puis de celle de la cathédrale d'Angers en 1776, prête le serment civique exigé du clergé et entend ''témoigner à ses concitoyens combien la gloire de la République le touche et l'anime''<sup>[[#1]]</sup>, devient secrétaire du District d'Angers en 1795, citoyen actif, se marie, etc. Il dirige en 1807 pour le 15 août, jour de la saint Napoléon, à la cathédrale un ''Te Deum'' et deux motets ([[Abréviations|F-RS]]) à grand orchestre dont les textes pour l'un des motets, bien que latins et tirés des livres de l'Ecriture mais pas particulièrement adressés à la gloire de Marie<sup>[[#2]]</sup>, laisse songeur. En voici un extrait tiré du livre de Jérémie (Ch. 3) :
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Changez vos cris plaintifs en des chants de victoire
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::Changez vos cris plaintifs en des chants de victoire
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Séchez vos pleurs, mères de nos guerriers...
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::Séchez vos pleurs, mères de nos guerriers...
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Chantez le Dieu de l'univers.
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::Chantez le Dieu de l'univers.
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Mais heureusement, les jugements flatteurs portés sur son œuvre par ses contemporains angevins restent localisés car la Gazette Musicale écrit vers 1835 qu'il est un homme de talent, mais dont les productions furent toujours empreintes du mauvais goût qui dominait dans les maîtrises de province à la fin du XVIIIe siècle .
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Toutefois, les papes qui se sont succédés entre 1823 et 1939 (Léon XII, Pie VIII , Grégoire XVI, Pie IX, Léon XIII, saint Pie X et Pie XI adoptèrent tous la même attitude au sujet de la musique sacrée en affirmant qu'Il ne s'agit pas… de formuler des lois esthétiques ou techniques concernant la musique, mais l'intention de l'Eglise est de protéger celle-ci contre tout ce qui pourrait la rendre moins digne ; elle est appelée en effet à rendre service dans une matière aussi importante que le culte divin, et précise que le musicien doit suivre l'élan de son amour pour Dieu et fasse religieusement usage des forces que Dieu lui a concédées, qu'il s'efforce d'exprimer par les couleurs, les lignes, les sons et les chants les vérités qu'il croit qu'il professe, et cela d'une manière si juste et si agréable que cet exercice sacré soit pour lui-même comme un acte de religion .
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Au cours du XIXe, les compositeurs réunissent à partir des textes du XVe, les événements relatés dans les Evangiles pour tirer une nouvelle matière musicale, rappelant les oratorios, matière ayant pour thème Les Sept Dernières Paroles du Christ en Croix, non s'en mêler souvent d'autres textes que l'on retrouve dans la Semaine Sainte, répons O vos omnes, et dans le Stabat Mater par exemple. Cette nouvelle forme musicale reste malgré tout isolée même si encore on rencontre des compositions contemporaines. Elle n'a jamais et ne remplacera sans doute jamais les Lamentations de Jérémie.
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A une interrogation, à la fin du XIXe siècle, sur ce qu'il y avait de mieux à entendre à Rome sur un plan musical (opéra, musique de chambre ou symphonique, etc.), Franz Liszt répondit : Rien de tout cela. Ce genre de musique peut être entendu partout ailleurs, et mieux. Musicalement, il est ici une chose unique et incomparable : les Ténèbres dans les grandes basiliques.
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Une préoccupation permanente du respect du sacré
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Mais heureusement, les jugements flatteurs portés sur son œuvre par ses contemporains angevins restent localisés car la ''Gazette Musicale'' écrit vers 1835 qu'il est ''un homme de talent, mais dont les productions furent toujours empreintes du mauvais goût qui dominait dans les maîtrises de province à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle''<sup>[[#3]]</sup>.
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et un retour aux sources
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Toutefois, les papes qui se sont succédés entre 1823 et 1939 (Léon XII, Pie VIII<sup>[[#4]]</sup>, Grégoire XVI, Pie IX, Léon XIII, saint Pie X et Pie XI adoptèrent tous la même attitude au sujet de la musique sacrée en affirmant qu'''Il ne s'agit pas… de formuler des lois esthétiques ou techniques concernant la musique, mais l'intention de l'Eglise est de protéger celle-ci contre tout ce qui pourrait la rendre moins digne ; elle est appelée en effet à rendre service dans une matière aussi importante que le culte divin'', et précise que le musicien doit suivre ''l'élan de son amour pour Dieu et fasse religieusement usage des forces que Dieu lui a concédées, qu'il s'efforce d'exprimer par les couleurs, les lignes, les sons et les chants les vérités qu'il croit qu'il professe, et cela d'une manière si juste et si agréable que cet exercice sacré soit pour lui-même comme un acte de religion''<sup>[[#5]]</sup>.
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Es déviations musicales prennent progressivement le pas au cours du XIXe siècle (mais comment délimiter un périmètre artistique !) puisque le Pape Pie X publie le Motu proprio le 22 novembre 1903 (Motu Proprio, Tra le sollecitudini del sumo Pontífice Pío X sur la Música sagrada) qui souligne la partie intégrante de la liturgie solennelle, qui est la gloire de Dieu et la sanctification et l'édification des fidèles  et qui déclare dans son 1er alinéa le maintien et la promotion de la dignité de la maison de Dieu où se célèbrent les saints mystères de la religion, et donne des directives pour relever l'altération du goût ou dénoncer l'influence d'un art profane et théâtral. La musique sacrée doit être sainte en elle-même et dans la façon dont les exécutants la présentent. Elle doit être un art véritable, s'il en était autrement elle ne pourrait avoir sur les auditeurs l'influence heureuse que l'Église entend exercer en l'admettant dans sa liturgie. Elle doit être universelle même s'il est permis à chaque nation d'adopter [...] des formes particulières .
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Au cours du XIX<sup>e</sup>, les compositeurs réunissent à partir des textes du XV<sup>e</sup>, les événements relatés dans les Evangiles pour tirer une nouvelle matière musicale, rappelant les oratorios, matière ayant pour thème ''Les Sept Dernières Paroles du Christ en Croix'', non s'en mêler souvent d'autres textes que l'on retrouve dans la Semaine Sainte, répons ''O vos omnes'', et dans le ''Stabat Mater'' par exemple. Cette nouvelle forme musicale reste malgré tout isolée même si encore on rencontre des compositions contemporaines. Elle n'a jamais et ne remplacera sans doute jamais les ''[[Lamentations]] de Jérémie''.
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A une interrogation, à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, sur ce qu'il y avait de mieux à entendre à Rome sur un plan musical (opéra, musique de chambre ou symphonique, etc.), Franz Liszt répondit : ''Rien de tout cela. Ce genre de musique peut être entendu partout ailleurs, et mieux. Musicalement, il est ici une chose unique et incomparable : les Ténèbres dans les grandes basiliques.''
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== Une préoccupation permanente du respect du sacré et un retour aux sources ==
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Les déviations musicales prennent progressivement le pas au cours du XIXe siècle (mais comment délimiter un périmètre artistique !) puisque le Pape Pie X publie le Motu proprio le 22 novembre 1903 (Motu Proprio, Tra le sollecitudini del sumo Pontífice Pío X sur la Música sagrada) qui souligne la partie intégrante de la liturgie solennelle, qui est la gloire de Dieu et la sanctification et l'édification des fidèles  et qui déclare dans son 1er alinéa le maintien et la promotion de la dignité de la maison de Dieu où se célèbrent les saints mystères de la religion, et donne des directives pour relever l'altération du goût ou dénoncer l'influence d'un art profane et théâtral. La musique sacrée doit être sainte en elle-même et dans la façon dont les exécutants la présentent. Elle doit être un art véritable, s'il en était autrement elle ne pourrait avoir sur les auditeurs l'influence heureuse que l'Église entend exercer en l'admettant dans sa liturgie. Elle doit être universelle même s'il est permis à chaque nation d'adopter [...] des formes particulières .
Ce discours sera constamment relayé au cours du XXe d'abord par la Congrégation des rites, ensuite par les évêques, par le pape Pie XII en 1947 dans la Lettre encyclique Mediator Dei du 20 novembre 1947 et l'encyclique Musicæ sacræ du 25 décembre 1955, et enfin par le Concile Vatican II.
Ce discours sera constamment relayé au cours du XXe d'abord par la Congrégation des rites, ensuite par les évêques, par le pape Pie XII en 1947 dans la Lettre encyclique Mediator Dei du 20 novembre 1947 et l'encyclique Musicæ sacræ du 25 décembre 1955, et enfin par le Concile Vatican II.
La Lettre apostolique Rubricarum instructum du pape Jean XXIII de juillet 1960 institue de larges coupes sombres dans certaines parties liturgiques et, pour ce qui concerne les leçons des Ténèbres :
La Lettre apostolique Rubricarum instructum du pape Jean XXIII de juillet 1960 institue de larges coupes sombres dans certaines parties liturgiques et, pour ce qui concerne les leçons des Ténèbres :
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:<span style="color:#808080;"><span id="1">'''1'''. ''La Maîtrise de la Cathédrale d'Angers. Six cents d'histoire. Jean Poirier. Angers. 1983.''</span>
:<span style="color:#808080;"><span id="1">'''1'''. ''La Maîtrise de la Cathédrale d'Angers. Six cents d'histoire. Jean Poirier. Angers. 1983.''</span>
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:<span style="color:#808080;"><span id="1">'''1'''. ''Texte''</span>
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:<span style="color:#808080;"><span id="2">'''2'''. ''Jean Poirier, op. cité.''</span>
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:<span style="color:#808080;"><span id="3">'''3'''. ''Jean Poirier, op. cité.''</span>
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:<span style="color:#808080;"><span id="4">'''4'''. ''Lettre apostolique ''Bonum est confiteri Domino'' du 2 août 1828.''</span>
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:<span style="color:#808080;"><span id="5">'''5'''. ''''Musicæ sacræ'', Lettre encyclique de S.S. le pape Pie XII  du 25 décembre 1955.''</span>
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:<span style="color:#808080;"><span id="6">'''6'''. ''Jean Poirier, op. cité.''</span>
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:<span style="color:#808080;"><span id="5">'''5'''. ''Jean Poirier, op. cité.''</span>
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:<span style="color:#808080;"><span id="5">'''5'''. ''Jean Poirier, op. cité.''</span>
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:<span style="color:#808080;"><span id="5">'''5'''. ''Jean Poirier, op. cité.''</span>

Version du 15 octobre 2010 à 12:29

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